Causette

Maud (38 ans)

SOIGNANTE, MÈRE D’UNE FILLE DE 16 ANS

- T. T.

« J’ai toujours vu ma mère comme une femme dynamique et investie sur plusieurs fronts. Elle m’a transmis plusieurs valeurs. La première, c’est l’indépendan­ce par rapport à toute forme d’autorité masculine. Il n’est pas possible de dépendre d’un homme. Mes parents sont mariés et ont un compte commun, mais ma mère m’a toujours incitée à être indépendan­te et a toujours été assez critique du modèle de la mère au foyer. L’autre, c’est la disponibil­ité pour son enfant. Ma mère est toujours venue me chercher, même tard le soir quand je sortais. Si je dois prendre ma voiture pour aller chercher ma fille, je le fais. Elle m’a aussi donné une grande sécurité affective et la certitude que je passais avant tout le reste, que j’étais sa priorité. C’est aussi à elle que je dois ma passion pour les arts martiaux. Elle m’a soutenue dans mes choix, y compris quand je suis devenue mère assez jeune et lors de ma séparation. À chaque fois, elle a essayé de me comprendre.

Quand j’étais ado, j’ai rejeté son fonctionne­ment, notamment sa tendance à être ultra démonstrat­ive et émotive. Je me suis construite en opposition par rapport à ça. Je suis beaucoup plus secrète qu’elle. Quand je lui confiais quelque chose, elle en parlait aux autres, à mes tantes notamment. Moi, si ma fille me dit quelque chose, ça reste entre nous. J’essaie d’être la plus présente et la moins intrusive possible avec elle. J’essaie de la mettre en garde et de lui dire de faire attention à elle, mais sans être trop insistante.

Je n’ai pas l’impression d’avoir fait un travail d’éducation féministe volontaire et militant avec ma fille. Mais je pense que, par ma façon de vivre, je lui ai fait passer certains messages. J’ai toujours travaillé, je ne me suis jamais mariée, j’ai quitté son père et j’ai toujours refusé sa pension alimentair­e.

Ma fille m’apprend la patience car, parfois, c’est difficile de la suivre. Il faut attendre que ses choix se mettent en place, qu’elle se décide et s’oriente par elle-même. J’ai des intuitions quant à ses études, des projection­s, mais je ne veux rien lui imposer. Elle a plein d’amis et beaucoup plus de liens sociaux que moi au même âge. Je suis épatée. Elle me parle beaucoup et me demande mon avis sur plein de sujets. Elle va plus loin que moi sur des tas de choses, comme le consenteme­nt ou les problémati­ques de genre, elle m’ouvre des horizons. Je me rends compte qu’au même âge, j’étais vraiment loin de toutes ces réflexions. Il nous est arrivé de regarder des films ou des documentai­res qui parlent de transition et c’était très enrichissa­nt pour moi. Il y a peu de tabous entre nous. On se parle de beaucoup de choses, y compris de sexualité. Mais c’est toujours dans la théorie et dans l’absolu. Je ne lui pose pas de questions trop précises sur son histoire avec son petit copain et je ne lui parle pas de ma vie personnell­e. Avec ma mère, il y avait plus de gêne et de tabou sur ces sujets-là. J’essaie de faire en sorte qu’elle puisse me dire le plus grand nombre de choses possible. »

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