Preuve que

les relations humaines changent sensiblement, nous pouvons aujourd’hui sonder les évolutions de l’amitié hommes-femmes après #MeToo. Et ne pas poser l’éternelle question : l’amitié hommes-femmes est-elle possible ? Quoique « éternelle » question, c’est vite dit. Au paléolithique, en vrai, on n’en sait rien. Simone et Francis Néandertal, êtres égaux à l’époque autant qu’on puisse en juger aujourd’hui, allaient bras dessus, bras dessous à la chasse, comme de vieux potes de grotte qu’il et elle étaient. C’est au néolithique (en France, entre 6000 et 2200 avant notre ère) que les choses se gâtent, avec l’apparition du patriarcat.

Alors là, ciao les ami·es. La doctrine de domination entre les sexes s’installe, il n’est plus question pour Francis de boire sa cervoise avec personne d’autre qu’un sapiens couillu comme lui. Simone va apprendre à rester devant le feu à tricoter des cailloux. Et pendant tout le temps où le patriarcat régnera quasi sans partage, d’amitié hommes-femmes il ne sera point question.

Il y a pourtant eu des best-sellers sur l’amitié. Cicéron, l’un des premiers à écrire sur ce thème, ne mentionne pas les femmes. Platon puis Aristote non plus. Au Moyen Âge, ça ne s’arrange pas, saint Augustin publie ses Confessions toujours sans l’ombre d’une damoiselle. Comme Thomas d’Aquin ou Pétrarque, qui abordent le sujet entre poteaux. Les femmes sont priées de raccommoder les poulaines sans moufter. Ou alors entre elles.

Il faut attendre les XVIe et XVIIe siècles pour qu’une poignée d’entre elles, échappant à leur condition, écrivent sur les relations amicales et, tiens donc, y incluent l’amitié entre les sexes ! Les « précieuses ridicules » évoquent une même sensibilité, partagée par les hommes et les femmes, qui pourrait peut-être gager de leur égalité. Car c’est bien d’égalité qu’il s’agit, lorsqu’on aborde ce sentiment. Le désir, on le gère. Ça n’est pas lui l’obstacle, comme on aimerait nous le faire croire à longueur d’articles de presse féminine. « Permettre l’amitié, c’est renoncer à son pouvoir, oublier sa peur, c’est reconnaître et aimer l’égalité de l’autre.* » C’est ça, la clé. ●

* Aimer d’amitié. Comment l’amitié enseigne à aimer, de Jacqueline Kelen. Éd. Robert Laffont, 2002.