Anne-Laure Chaumette
Maîtresse de conférences en droit international à l’université Paris Nanterre
« Il y a extrêmement peu de possibilités que Poutine soit jugé. Ce serait possible s’il quittait le pouvoir, qu’il voyageait en Europe, qu’il était arrêté et que les États européens excluaient sa possible immunité. Ça fait beaucoup de “si”. Une autre option, proposée par le juriste Philippe Sands, consisterait à créer un tribunal ad hoc consacré à l’agression russe en Ukraine. Mais ce type de juridiction est instauré par le Conseil de sécurité des Nations unies, où la Russie jouit d’un droit de veto… Quant aux commissions “Vérité et réconciliation”, comme il y a eu en Afrique du Sud, elles concernent généralement les conflits internes, lorsque des victimes vivent avec leurs bourreaux au sein d’un même pays, ce qui n’est pas le cas ici. En revanche, on pourrait atteindre les responsables militaires russes. De nombreux États européens prévoient dans leur Code pénal une “compétence universelle”, laquelle permet à leurs juridictions de juger une personne qui a commis un crime de guerre ou un crime contre l’humanité à l’étranger, si elle se trouve sur leur territoire. Cette perspective va restreindre la liberté de mouvement de tous ces responsables. Certains auteurs de crimes en Syrie, en 2011, se sont dit qu’ils pouvaient de nouveau voyager au bout d’un moment et sont arrivés en Allemagne ou en France ces dernières années. Mais dès l’instant qu’ils se sont trouvés sur le territoire, ils ont pu être arrêtés. L’exercice de la justice internationale suppose d’avoir pu, après le recueil des preuves pour l’enquête, identifier les accusés et organiser l’arrestation. Ce qui peut durer de longues années. » ●
“Les responsables militaires russes pourraient être jugés grâce à la ‘compétence universelle’ ”