Bénédicte Jeannerod
Directrice France de Human Rights Watch
« Ce sont les enquêtes [celles de la justice ukrainienne et de la Cour pénale internationale, ndlr] qui définissent jusqu’où remonte la chaîne de commandement dans ces crimes et donc, le niveau de responsabilité des accusés. De notre côté, nous suivons la situation en Ukraine depuis 2014. Nous avons déjà produit pas mal de documentation sur les exactions, les violations des droits humains et du droit international humanitaire. Depuis l’invasion russe, nous avons envoyé, en plus, une équipe “crise et conflit”. Il s’agit de “chercheurs” – traduction de researchers – qui se déploient de manière très rapide sur le terrain et sont chargés de faire des interviews avec des victimes ou témoins d’exactions, des médecins, des juristes… toute personne pouvant apporter des éléments. D’autres membres de HRW sont aussi présents dans les pays limitrophes pour les problématiques de réfugiés. Un laboratoire d’enquête numérique complémente ce travail de terrain en croisant les éléments recueillis à partir d’images satellites, des réseaux sociaux, etc. Et nous avons enfin une division “arme” : des spécialistes qui aident à définir quel type de matériel a été utilisé. Dans les pays subissant de graves conflits comme le Yémen, la Syrie, l’Éthiopie ou l’Afghanistan, nos chercheurs et chercheuses travaillent en permanence. Tout ce travail est public et peut être utilisé, dans le cas de l’Ukraine, par la Cour pénale internationale ou la procureure ukrainienne. Mais avant d’en arriver à un jugement, c’est donc très long. Si on prend l’exemple de Radovan Karadzic, ancien chef des Serbes de Bosnie, ça a pris vingt-cinq ans. En République centrafricaine, où un procès a lieu en ce moment, cela a pris vingt ans. Vingt ans également au Rwanda. » ●