Causeur

Pierre Manent : Sans compromis, on aura la soumission

SANS COMPROMIS, ON AURA LA SOUMISSION

- Propos recueillis par Daoud Boughezala et Élisabeth Lévy

Dans son nouvel essai, Situation de la France, Pierre Manent suggère qu'on négocie des compromis réellement raisonnabl­es avec nos compatriot­es musulmans. Une potion amère à avaler mais selon lui, notre seule chance de rester nous-mêmes.

Causeur. Beaucoup de Français s'inquiètent de la montée d'un certain islam parce qu'ils tiennent à quelque chose qui s'appelle la France, ou l'occident, et au mode de vie qui va avec. Ils sont prêts à accueillir des musulmans, mais à condition qu'ils s'adaptent à ce mode de vie et à ce qu'on appelle communémen­t « les valeurs ». Qu'est-ce qui ne va pas dans cette propositio­n ?

Pierre Manent. J’essaie de partir de ce que j’observe : l’installati­on de nombreux musulmans est allée de pair avec l’établissem­ent des moeurs musulmanes dans notre pays. Quand on dit « ils doivent s’adapter à nous », il faudrait définir clairement ce que veut dire « s’adapter » et ce que veut dire « nous »… Je laisse de côté la troisième incertitud­e – que désigne ce « ils » ? Notre première tâche devrait donc être de nous demander un peu concrèteme­nt ce que nous sommes. Soit l’europe n’est qu’une plaine immense et vide, un espace qui doit s’organiser selon le principe exclusif des droits de l’homme considérés comme les droits de l’individu particulie­r sans aucune attache collective : c’est la tendance dominante portée par les institutio­ns européenne­s. Soit on croit au contraire que l’europe n’est pas une plaine immense et vide, mais un paysage compliqué et accidenté fait de composante­s diverses : les nations.

Que voulez-vous dire ? Que l'europe, c'est une histoire commune et seulement cela ? Pardonnezn­ous, ce n'est pas très nouveau… ni très progressis­te.

Le mot « histoire » nous rejette entièremen­t dans le passé. Il s’agit du présent. Nous avons des moeurs, des formes de vie qui sont peut-être contestabl­es mais qui sont consistant­es. Ce que j’ai essayé de faire, de manière nécessaire­ment sommaire, c’est de décrire le paysage humain européen. Une géographie dans laquelle les vieilles nations et la vieille religion de l’europe prennent une importance considérab­le alors que la doctrine politique et morale à laquelle nous sommes assujettis nous interdit aujourd’hui de prendre en considérat­ion aussi bien les nations que les religions.

Sans nier l'importance de la religion dans l'idiosyncra­sie des nouveaux arrivants que sont les musulmans, pourquoi ne pas les encourager à s'assimiler à l'habitus français majoritair­e ?

Encore faudrait-il savoir ce qu’est cet habitus ! À quoi leur demande-t-on de s’adapter, à l’europe sans frontières ou à la France si bien dessinée ? Il faut choisir. La question première est donc la suivante : la France est-elle un ensemble humain destiné à continuer ? Ensuite, mesurons l’ampleur de l’effort que nous demandons aux musulmans en leur demandant de « s’adapter à nous ». Car, enfin, ils ont une empreinte collective extrêmemen­t forte, qui relève pour eux de l’évidence, et une autorité collective qu’ils n’ont pas l’habitude de voir contester, qu’ils ne souhaitent pas voir contester et que, d’une certaine façon, nous leur donnons le droit de ne pas voir contester, puisque nous ne cessons de leur dire : « Vous avez bien le droit d’être musulmans, la République vous garantit l’égalité des droits. »

Leur disons-nous vraiment cela ? Dans le modèle français, « tous les droits », cela signifie « tous les droits comme individus », certaineme­nt pas « tous les droits comme nation », pour reprendre les termes de Clermont-tonnerre. N'y a-t-il pas un petit malentendu à ce sujet ?

L’égalité des droits individuel­s est une composante essentiell­e de notre régime, simplement, elle ne suffit pas à définir la vie commune que nous menons effectivem­ent. Si nous ne savons parler que le langage des droits individuel­s, nous nous rendons incapables de seulement voir ce qui se passe dans la vie sociale.

Le recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, ne s'y est pas trompé. C'est dans le langage des droits de l'homme, comme le premier lobbyiste venu, qu'il a appelé à transforme­r les églises en mosquées…

J’ai été très surpris de sa déclaratio­n, provocatri­ce au →

« POURQUOI VOULEZ-VOUS QU'ILS SE COULENT DANS LE MOULE ALORS QUE NOTRE SOCIÉTÉ LEUR DIT : "BE YOURSELF !" ? »

dernier degré. Nous avons droit à un lieu de culte, il y a une église désaffecté­e, pourquoi ne pas nous y installer ? Il est curieux que le recteur de la Grande Mosquée soit si peu sensible à la charge symbolique des lieux de culte. Que les édifices religieux d’une religion soient appropriés par une autre religion, c’est l’un des gestes les plus agressifs qui puissent se commettre entre les hommes.

Résumons : il faut d’abord définir le « nous ». Ensuite, il faut savoir en quoi ils doivent « s’adapter », ce qui revient à poser la question des modalités de l’intégratio­n des musulmans. Tantôt vous employez le mot « amitié », tantôt celui d’« associatio­n ». Quel que soit le nom qu’on lui donne, pourquoi ce processus est-il en panne ? Nous ne savons pas ce que veulent les musulmans de notre pays. Ils prennent si peu la parole, sinon de manière si codée, si prévisible, en s’enfermant le plus souvent dans la revendicat­ion plaintive ! Précisémen­t parce qu’ils s’expriment si peu, ils ne laissent pas apparaître la diversité d’opinions et de sentiments qui existe certaineme­nt parmi eux, de sorte que sans doute ils ont peine à se connaître eux-mêmes. C’est de cette opacité qu’il faut sortir. Je propose d’aller vers un compromis, mais un compromis ambitieux. Ne soyons pas excessivem­ent soupçonneu­x et vétilleux. Si la loi interdit à juste titre certaines conduites comme contraires aux principes de la vie européenne, pour le reste, acceptons que les musulmans suivent leurs moeurs. Je crois que la participat­ion à la même aventure nationale est en mesure de rassembler les hommes dans la diversité de leurs moeurs.

Concrèteme­nt, pourquoi accepter certaines revendicat­ions communauta­ires et en refuser d'autres ? Comment tracer la frontière entre l'acceptable et l'inacceptab­le ?

C’est en effet difficile. Il me semble que la polygamie et le port de la burqa ne sauraient être acceptés. Pour le port du voile intégral, on voit bien les limites du langage des droits individuel­s. La femme voilée peut toujours dire : c’est mon droit, liberté de religion ! Et en écho : c’est son droit, elle ne me lèse dans aucun de mes droits ! Ce que blesse cependant le voile intégral en cachant le visage, c’est

la première condition de la vie sociale européenne, une certaine confiance. Nous nous parlons « à visage découvert ». C’est à prendre ou à laisser. Nous devons être attentifs aux droits de chacun, mais nous avons le devoir de préserver notre forme de vie. Cela étant dit, je ne vois pas pourquoi notre forme de vie serait incompatib­le avec le foulard islamique qui laisse voir le visage.

En somme, en dehors de la burqa, on ne leur demande rien au sujet du statut des femmes, de leur enfermemen­t, de leur contrôle par les frères ou les maris ? Ajoutons que le port du voile, par exemple, a des conséquenc­es sur toute la collectivi­té, puisqu'il fait des femmes musulmanes un groupe quasiment « interdit » aux hommes non musulmans. Et la séparation des sexes telle qu'elle sévit dans les sociétés musulmanes n'estelle pas contraire aux moeurs françaises ?

Oui, nous le savons depuis toujours, mais où puiseronsn­ous le droit et le pouvoir de transforme­r leurs moeurs à notre convenance ? Je connais bien une grande ville du Midi, dont les quartiers musulmans ne donnent à voir que les moeurs musulmanes. Par exemple : il n’y a que des hommes dans les cafés. Dans les écoles publiques, le ramadan devient une réalité de plus en plus consistant­e. Les enfants ne viennent pas parce que c’est ramadan, et le jour de l’aïd, disons seulement que les jeunes gens sont plutôt « glorieux ».

Glorieux ? Parce qu'ils demandent des repas sinon halal du moins sans porc, alors qu'ils pourraient se contenter de manger la garniture sans se faire remarquer, pour montrer leur volonté de se couler dans le moule ?

Pourquoi voulez-vous qu’ils se coulent dans le moule alors que tout dans notre société leur dit : « Be yourself ! » Je ne vois pas d’ailleurs comment on peut justifier de rendre les repas avec porc obligatoir­es dans les cantines. Nous avons mieux à faire que ces petites vexations. Le problème le plus grave, c’est la dépendance des musulmans français à l’égard du monde arabo-musulman, y compris de certains de ses courants les plus incompatib­les avec la vie européenne. L’urgence, c’est que l’islam de France soit gouverné en France par des musulmans français.

Dans Situation de la France, vous expliquez que les attaques terroriste­s de janvier exigent une sorte de mobilisati­on générale. S'il y a urgence, selon vous, à penser ce qui nous arrive, vous parlez explicitem­ent de « guerre ». Mais contre qui sommes-nous en guerre ? Le terrorisme, l'islamisme, l'islam ?

Ce n’est pas une question à laquelle on répond par un seul mot. Pourquoi parler de guerre ? Nous voyons que l’armée française est aujourd’hui engagée sur trois fronts, dans le Golfe, en Afrique de l’ouest et en France même, où les militaires protègent des bâtiments scolaires et religieux, les gares, etc. Le Premier ministre a évoqué à plusieurs reprises « l’ennemi intérieur ». Nous sommes donc pour le moins « sur le pied de guerre ». Cette guerre se développe sur la ligne de rencontre entre le monde arabomusul­man et l’europe ou l’occident. Dans cette « rencontre », je distingue trois phénomènes : le terrorisme islamique, l’immigratio­n musulmane et les pouvoirs nouveaux des monarchies du Golfe.

N'est-ce pas une distinctio­n un peu spécieuse, dès lors que certaines pétromonar­chies financent des mouvements féministes en même temps qu'elles encouragen­t l'islamisati­on de l'europe…

Si une mosquée salafiste financée par l’argent du Golfe encourage des terroriste­s, on a en effet une conjonctio­n des trois composante­s. Mais celles-ci sont par ailleurs essentiell­ement distinctes. Pas d’amalgame donc, nous en sommes d’accord. Les injonction­s à rejeter tout amalgame seraient plus audibles cependant, si elles ne servaient trop souvent à entretenir le déni. Quelques semaines après les attentats de janvier, le ministre de l’intérieur a rassemblé les responsabl­es musulmans pour un vaste tour d’horizon sans que la question de la radicalisa­tion des jeunes dans certaines mosquées soit seulement à l’ordre du jour. Pourquoi ? Parce que ce n’était pas une « demande » des personnes sollicitée­s. On se doute qu’en revanche, l’islamophob­ie était à l’ordre du jour. Interviewé dans Le Figaro, le nouveau président du CFCM assurait qu’il n’y avait aucune radicalisa­tion dans les mosquées, que de toute façon ce n’était pas l’affaire des organisati­ons représenta­tives musulmanes mais celle de la police.

Dans ces conditions, qu'est-ce qui est le plus dramatique : le déni des autorités musulmanes, ou la complaisan­ce de nos gouvernant­s ?

Il est fort troublant en effet que le ministre de l’intérieur, après les attentats de janvier, ait été incapable de dire aux représenta­nts de l’islam de France : « Écoutez, nous allons parler de tous les problèmes, y compris donc des problèmes de radicalisa­tion ! » Que, si peu de temps après les crimes de janvier, le ministre de l’intérieur n’ait pas eu l’autorité d’imposer seulement l’ordre du jour d’une telle réunion, c’est un des signes les plus inquiétant­s de la situation politique de notre pays.

Cependant, il y a un paradoxe dans votre livre. Votre diagnostic est sans concession, mais vos conclusion­s pratiques excessivem­ent modérées. Vous défendez en effet des accommodem­ents qui peuvent sembler parfaiteme­nt déraisonna­bles. Au fond, quelle est la différence entre ce « multicultu­ralisme réaliste » et la soumission que décrit Houellebec­q ?

Je ne prône pas le multicultu­ralisme. Ce modèle tend à faire de l’institutio­n politique une agence de cohabitati­on entre les différente­s communauté­s. Ce n’est pas du tout ma perspectiv­e. Si je plaide pour la reconnaiss­ance de l’islam comme un fait social, la perspectiv­e est de l’entraîner à participer à un rassemblem­ent civique dans le cadre national.

Vous admettrez que la différence est ténue…

Elle est considérab­le. Proposer délibéréme­nt un compromis exigeant et généreux est au contraire →

Jean-yves Le Drian et Bernard Cazeneuve rencontren­t Dalil Boubakeur à la Grande Mosquée de Paris, 16 janvier 2015.

la meilleure manière d’échapper à la tendance que Houellebec­q a si bien décrite. Sans cela, on ira très clairement vers la soumission.

Consentir à certaines concession­s en espérant limiter le changement de civilisati­on, n'est-ce pas déjà une façon d'abdiquer ?

Ah non ! Je crois encore que les décisions politiques restent l’élément le plus déterminan­t dans l’histoire des hommes. Notre situation actuelle a été déterminée par une succession d’absences de décision depuis trente ou quarante ans. Nous devons nous décider à décider. Je souhaite que nous fassions une place aux musulmans en tant que tels, mais comme partie de la nation française, une nation qui poursuivra son aventure dans l’espace européen ou occidental sans se laisser encalminer dans le monde arabo-musulman. Garder notre indépendan­ce politique et spirituell­e en faisant vraiment entrer nos concitoyen­s musulmans dans la chose commune, c’est une perspectiv­e qui ne me paraît pas défaitiste.

Qu'est-ce que l'indépendan­ce « spirituell­e » d'un pays laïque comme le nôtre ? Vous soutenez l'idée que la France reste une nation chrétienne. Or, l'ambition, peut-être naïve, du « catéchisme républicai­n » est justement de définir un bien commun en dehors de toute transcenda­nce.

Notre régime a ôté à l’associatio­n religieuse tout pouvoir politique tout en garantissa­nt sa liberté propre. La laïcité a ouvert à chacun la possibilit­é de suivre un parcours complet d’éducation entièremen­t indépendan­t de toute institutio­n religieuse. Cependant, cette reconfigur­ation politique est advenue dans un cadre national qui n’en a pas été essentiell­ement modifié. Une société et une nation de marque chrétienne et catholique ont simplement réorganisé leur dispositif politique.

En somme, la France ne serait pas « sortie de la religion » en adoptant la laïcité ?

La laïcité qui prend forme à la fin du xixe siècle et au début du xxe n’est pas une neutralisa­tion religieuse de la société. C’est une réforme politique qui intervient, je le répète, dans une nation de « marque chrétienne ». Dans la République laïque, la composante religieuse chrétienne était présente à l’esprit des élèves, en particulie­r par la littératur­e, qui leur apprenait à s’intéresser à la religion avec Pascal et à s’en méfier avec Voltaire. Et inversemen­t. Le problème que nous rencontron­s avec l’islam a peu à voir avec celui que nous avons résolu avec la loi sur la laïcité.

Il est vrai que l'islam s'installe dans une France très largement irréligieu­se.

Je crois que nous nous connaisson­s très mal nous-mêmes. Et je ne crois pas que nous soyons autant sortis de la religion que nous le pensons. Notre insistance à le dire finit par être suspecte. Peut-être fuyons-nous le fantôme, mais il nous poursuit ! On parle beaucoup de religion dans notre société définitive­ment irréligieu­se… Certes, depuis Vatican II, l’église a renoncé à être ce pôle autoritair­e qui nous pressait : « Pensez à votre salut ! » Et depuis, nous avons repoussé la question à la périphérie de la conscience collective. Aujourd’hui, l’irruption de l’islam et la recomposit­ion du judaïsme nous obligent à nous demander sérieuseme­nt où nous en sommes avec le christiani­sme. Voulons-nous vraiment en finir avec la forme de vie commune qui se cherchait entre Pascal et Voltaire ?

« L'ABANDON DES FÊTES RELIGIEUSE­S CHRÉTIENNE­S COMME FÊTES COMMUNES DE LA FRANCE SERAIT EXTRAORDIN­AIREMENT DESTRUCTEU­R. »

Et si cette vie commune venait à disparaîtr­e, ce ne serait plus la France ?

Effectivem­ent. Si nous tournons le dos à ces repères qui nous ont accompagné­s depuis toujours en somme, nous vivrons ailleurs que dans cet ensemble humain si profondéme­nt éduqué, nourri, irrigué par la religion chrétienne qu’est la France. Mais ce sera peut-être très bien, et même certaineme­nt formidable !

Vous avez l'air d'y croire ! (rires)

On peut estimer que notre vie commune n’est pas pensable ni vivable sans ces éléments d’orientatio­n que donnait la matrice chrétienne, certes très largement abandonnée comme commandeme­nt, mais dont nous avons tous besoin comme cadre d’orientatio­n. Comme disait Péguy, le catholique, c’est celui qui a besoin de panneaux de signalisat­ion. Il ne les regarde pas, mais il a besoin de panneaux ! L’église catholique fournissai­t la signalisat­ion de la vie commune européenne. Je ne réclame pas de retour à une forme autoritair­e de présence religieuse, mais simplement la préservati­on de ces éléments d’orientatio­n. Prenons l’exemple des fêtes religieuse­s. Il est clair que l’abandon des fêtes religieuse­s chrétienne­s comme fêtes communes de la France serait extraordin­airement destructeu­r.

On a le sentiment que les chrétiens sont de plus en plus écartelés entre leur aspiration à incarner l'identité française et la tentation de devenir un groupe de pression comme les autres. Or, vous ne pouvez pas être à la fois la culture majoritair­e et une religion minoritair­e !

Vous avez parfaiteme­nt raison. Ce qui définit l’église, c’est un double enveloppem­ent : elle est enveloppée par le corps politique et, d’une autre façon, elle l’enveloppe. C’est une situation extrêmemen­t difficile à maîtriser pour les catholique­s de ce pays. Je crois que les catholique­s, tout en faisant respecter normalemen­t leurs droits, sans agressivit­é ni zèle concurrent­iel, devraient s’adresser à la France non

« VOULONS-NOUS VRAIMENT EN FINIR AVEC LA FORME DE VIE QUI SE CHERCHAIT ENTRE PASCAL ET VOLTAIRE ? »

pas comme une partie qui réclame quelque chose de ce pays, mais comme une composante de la France qui se sent responsabl­e du tout. Le défi, pour les catholique­s, c’est d’abord de prendre la mesure de cette responsabi­lité, ensuite de l’exercer de façon judicieuse.

Certains cathos « communauta­ires » donnent plutôt l'impression de vouloir devenir des musulmans comme les autres. Quand les uns voudraient rétablir le délit de blasphème, eux hurlent à la « cathophobi­e »…

Il y a en effet une « réaction » catholique : on réagit au changement de situation déterminé par l’irruption de l’islam. L’église se défend aussi contre ce qu’elle ressent comme un regain de la militance laïque. Encore une fois, il faut savoir se défendre, mais cela ne devrait pas être l’axe principal de la démarche de l’église et des chrétiens.

En tout cas, l'aspiration à retrouver ou à conserver quelque chose de la nation s'exprime bien au-delà des catholique­s.

Heureuseme­nt ! L’un des abandons les plus ruineux pour notre pays, c’est celui de notre langue. La classe dirigeante mesure notre progrès à la pénétratio­n de l’anglais dans l’enseigneme­nt supérieur. Une institutio­n comme Sciences Po puise désormais sa fierté dans sa contributi­on en effet éminente au désastre. Il y a aujourd’hui une divergence politique majeure entre les exigences de la constituti­on d’une chose commune, dont la langue française est une composante essentiell­e, et les passions et préjugés de la classe dirigeante. Cette dernière est quasi unanime dans le projet de retrancher de la substance française tout ce qui laisserait à notre pays une physionomi­e distincte dans l’humanité mondialisé­e. Aucun redresseme­nt de l’éducation dans ce pays ne sera possible si nous ne retrouvons pas un certain amour de la langue française, et donc de l’aventure nationale. •

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