Accordéon : la revanche du piano du pauvre

La Corrèze n'est pas seulement le fief des présidents Chirac et Hollande. Chaque année en septembre, sa capitale,tulle, accueille les « Nuits de Nacre », un festival d'accordéon qui met la musique populaire à l'honneur. Snobs et jeunistes s'abstenir.

La 28e édition des Nuits de Nacre s’est déroulée à Tulle (Corrèze), du 17 au 20 septembre 2015. Nuits de Nacre ? Le monde de l’accordéon adore la métaphore aussi bien que la métonymie : piano à bretelles, piano du pauvre, boîte à soufflets, boîte à câlins. Or, l’instrument à anches libres brille de tous ses feux sous les projecteurs des bals populaires grâce à la nacre incrustée sur ses flancs et sur ses boutons, où virevoltent les doigts des virtuoses…

Mais pourquoi ces Nuits ont-elles élu Tulle, préfecture morose à l’économie sinistrée, dont Jacques Chirac puis François Hollande firent un fief politique, leur tremplin pour l’élysée ? Parce qu’elle abrite l’une des deux dernières fabriques françaises d’accordéons chromatiques, Maugein, sauvée de la faillite par le footballeur international Laurent Koscielny, un enfant du pays.

En un demi-siècle, les Nuits de Nacre sont devenues le Festival de Cannes de l’accordéon, sans montée des marches, ni tapis rouge, ni palmarès. Simplement un rassemblement de fans venus de toute la France, et de quelques autres pays, écouter leurs idoles, comme notre monument national vivant octogénaire Marcel Azzola (« Chauffe, Marcel ! » lui criait Jacques Brel) ou la star du cross-over musical Richard Galliano.

Née au début du siècle dernier dans une classe ouvrière à peine sortie de la paysannerie, langage commun des migrants et des enracinés, la musique populaire des accordéonistes fut méprisée, et l’est encore, par les snobs de toutes obédiences, mais respectée par les vrais grands musiciens, les classiques comme les jazzeux. Le peuple de l’accordéon rassemble les ch’tis, les ritals, les auverpins, les polaks, les manouches, les fans de jazz et les tourneurs de java, les danseurs de tango et les buveurs de vodka. À Tulle, chaque année, en septembre. •

Tulle, sur le quai de la Corrèze, pendant une éclaircie. On peut percevoir le patchwork de styles architecturaux dans une ville où des hommes politiques ambitieux ont voulu laisser leur marque, pas toujours réussie. François Hollande est venu le...

Jérôme Baudoui, l'accompagnateur du Patrick Sébastien régional de l'étape, met le feu au bal popu avec son instrument, un accordéon chromatique sorti des ateliers des frères Maugein, installés à Tulle depuis 1919.

Les doigts courent sur des boutons couverts de nacre, l'ivoire du pauvre, à l'abri, pour l'instant, de la censure écolo.

Wanted ! Retenez bien ces visages ! Au centre, Marcel Loeffler, né en 1967, virtuose aveugle et génial, formé au jazz manouche par son père guitariste, entouré de ses complices, son neveu Cédric Loeffler (guitare) et son cousin Gauthier Laurent...

Peggy, du groupe la Guinguette, venue des Sables-d'olonne avec sa péniche à roulettes. Devrait un jour remplacer Yvette Horner sur le Tour de France, c'est obligé !

Un accordéoniste de rue, sous le regard d'un passant, et sous le regard bienveillant de Gus Viseur (sur l'affichette), auquel les Nuits de Nacre 2015 étaient dédiées. Il aurait eu 100 ans cette année.

Sébastien Farge, directeur artistique des Nuits de Nacre. Il est à Tulle ce que Gilles Jacob fut à Cannes, l'homme de tous les défis, de toutes les folies. Accordéoniste lui-même, compositeur, arrangeur, il anime tous les samedis matin l'émission...