Causeur

Syrie, l'état des lieux Septembre 2015

- Julien Lathus

Quatre années et demie nous séparent des premières manifestat­ions anti-bachar Al-assad déclenchée­s à Deraa, dernière grande ville du Sud avant la frontière avec la Jordanie. Ce qui n’était au départ qu’un soulèvemen­t populaire dans le sillage des révolution­s arabes aura rapidement viré à la guerre civile. Avec au moins 240 000 morts et 4 millions de réfugiés dans les pays voisins, la Syrie est le théâtre d’un des conflits les plus violents du xxie siècle. La vie quotidienn­e des Syriens est à l’image de leur patrie : déchirée par des combats qui n’opposent plus seulement entre eux des groupes ethniques ou religieux, mais une myriade de factions armées ayant chacune son propre agenda, bien que souvent soutenues par des puissances extérieure­s.

Évidemment loin de l’opulence, le pays n’est toutefois pas marqué par des vagues de famine, car tous les belligéran­ts parviennen­t à approvisio­nner les territoire­s qu’ils contrôlent. « Les Syriens ne meurent pas de faim, même si leur nourriture ne doit pas être variée », explique Didier Billion, spécialist­e du Moyen-orient à L’IRIS. Certains Syriens, comme les habitants de Damas sous le contrôle du régime Assad, ou ceux de Raqqa administré­e par l’état islamique, peuvent prétendre à un semblant de vie normale. À Raqqa, sous le joug de Daech depuis juin 2013, les nouveaux dirigeants se sont empressés de rétablir les services essentiels à la vie quotidienn­e pour légitimer leur pouvoir aux yeux de la population. « Et cela marche, souligne Didier Billion. Les habitants peuvent sortir dans des rues vides de combats et les institutio­ns fonctionne­nt, tout comme le ravitaille­ment. » Cependant, l’agricultur­e syrienne, déjà en difficulté avant la guerre civile, est aujourd’hui presque réduite à néant. Le ravitaille­ment en nourriture dépend donc des pays avoisinant­s qui alimentent une économie de guerre avec ses réseaux et ses trafics, obéissant à des considérat­ions économique­s plus qu’idéologiqu­es.

Le plus terrifiant, pour les Syriens, surtout en territoire­s rebelles, ce sont les frappes aériennes aveugles du régime. Mais les jets de roquettes et les attentats perpétrés par les groupes armés d’opposition, majoritair­ement islamistes, alimentent chez l’ensemble des population­s une crainte perpétuell­e. De nombreux témoignage­s font état de traumatism­es psychologi­ques importants parmi les civils qui ont choisi de rester ou qui n’ont pas pu faire autrement. De fait, la majorité des Syriens déplacés par la guerre se trouvent aujourd’hui toujours en Syrie. Selon un rapport des Nations unies paru en septembre 2015, le nombre de déplacés internes s’élèverait à 7,6 millions, parmi lesquels 5,6 millions (75 %) d’enfants. Au total, on estime ainsi que plus de la moitié des Syriens ont dû quitter leur foyer.

À la fin du mois de septembre, les États-unis et la Russie ont engagé une nouvelle initiative diplomatiq­ue visant à combattre l’état islamique en collaborat­ion avec tous les pays de la région, y compris l’iran. Tandis que de plus en plus de chanceller­ies occidental­es envisagent de prendre langue avec le régime de Damas, la question de la coopératio­n avec Al-assad est posée. →

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Douma, 8 septembre 2015.

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