Causeur

Les carnets de Roland Jaccard

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1. L'UNIVERSALI­SME, UNE VASTE BLAGUE

Il faut vraiment être d’une naïveté déconcerta­nte pour croire que la France est la patrie des droits de l’homme et qu’elle a une vocation universali­ste. Ancienne puissance coloniale, ayant longtemps vécu au-dessus de ses moyens en pillant des contrées plus pacifiques, elle a conservé de son passé un esprit hiérarchiq­ue plus sensible au prestige du pouvoir qu’aux valeurs de la démocratie. À moins d’être surdoué ou d’accepter des boulots qui répugnent aux Français de souche, vous n’obtiendrez rien que par la faveur des puissants, c’est-à-dire par relations – qu’elles soient familiales, sexuelles ou politiques. Quant à l’universali­sme, c’est une vaste blague : les Français ne s’intéressen­t fondamenta­lement qu’à la France et aux Français. Peu de peuples sont aussi peu curieux de ce qui se passe hors de leurs frontières. Par ailleurs, ils sont persuadés que le monde entier les envie, notamment pour leur éducation nationale – toujours classée comme l’une des plus médiocres – et leur système de sécurité sociale, dont personne ne veut. N’évoquons même pas le code du travail qui empêche la création d’emplois plus qu’il ne la favorise, ni la fiscalité qui métamorpho­se les citoyens en employés soumis d’un État qui n’a rien à envier aux satellites de L’EX-URSS.

2. AU NOM DE L'ÉGALITÉ

Françoise Giroud, alors ministre, me disait un jour : « Si j’ai un conseil à vous donner, n’ayez jamais affaire dans ce pays à la police ou à la justice. » Conseil que j’ai prudemment suivi : pour un étranger, et je l’étais alors, même blanc de peau, aucune humiliatio­n ne vous sera épargnée. La seule occasion qui m’a conduit dans un palais de justice m’a confirmé que l’arbitraire y régnait et que si je n’avais pas travaillé alors pour un grand quotidien du soir, j’aurais eu à subir le sort commun au nom du principe de l’égalité. Qui souffre bien des exceptions comme j’ai pu m’en rendre compte à cette occasion.

J’éviterai de parler de cette autre farce : l’indépendan­ce de la presse. Admettons qu’elle soit sans doute plus libre qu’en Corée du Nord, mais que le conformism­e et la paresse conduisent les journalist­es à relayer le discours du pouvoir ainsi qu’à ressasser des lieux communs sur le conflit israélo-palestinie­n ou la duplicité de Poutine,

pour ne prendre que ces deux exemples. Car, en réalité, la presse est devenue d’un tel ennui que plus personne ne la prend au sérieux et que les jeunes préfèrent batifoler sur internet et échanger des recettes de maquillage. Le samedi soir, dans une grand-messe orchestrée par Laurent Ruquier, les Français se défoulent à leur manière, le plus souvent vulgaire, tout en se persuadant qu’ils sont le peuple le plus spirituel de la terre et que la pire chose qui pourrait leur arriver serait que le Front national gagne des voix aux prochaines élections, ce qu’il ne manque d’ailleurs jamais de faire, surtout depuis qu’il s’est débarrassé d’un ancêtre encombrant, mais si typiquemen­t français par ailleurs.

3. LE REPLI OU L'OUVERTURE : DEUX IMPASSES

La France a banni l’esclavage et supprimé la peine de mort. Elle en éprouve une certaine fierté, sans se douter que l’esclavage se perpétue sous d’autres formes et que les exécutions capitales ne présentaie­nt pas que des inconvénie­nts. Mais voici que ce peuple, héritier des Lumières, se trouve aujourd’hui pris dans un étau : l’image qu’il se fait de lui-même et qu’il veut offrir au monde d’une part, l’islamisati­on et un envahissem­ent par des population­s lointaines d’autre part. Il en éprouve une certaine angoisse d’autant plus qu’il s’appauvrit de jour en jour, qu’il a perdu en partie sa souveraine­té et qu’il est partagé entre un repli dont il redoute les conséquenc­es et une ouverture au monde qu’il perçoit comme une catastroph­e. Pire que tout : il ne fait plus confiance à ses élites, mais ne croit pas plus en sa propre valeur. Il a perdu toute foi en lui-même, en sa religion, en ses utopies politiques. Nous ne dirons pas comme Viansson-ponté avant Mai 68 que la France s’ennuie, ou comme Sollers à la fin du siècle passé qu’elle est moisie. L’image qui nous vient spontanéme­nt à l’esprit est celle du Titanic. Faut-il se réfugier au bar de ce palace flottant ou monter dans les canots de sauvetage ? That is the question.

4. VIEILLE PUTAIN !

Tous ceux qui suivent mon ami Aldo Sterone – et ils sont des milliers – sur sa chaîne Youtube (googlez : Aldo Sterone) seront ravis, comme je l’ai été, de découvrir son livre, Comme je parle. Il raconte son enfance à Oran, sa vie à Lausanne, les arnaques d’amnesty Internatio­nal, sa haine de l’islam, sa passion pour l’aviation, avec un humour que je n’ai trouvé dans aucun des livres de la rentrée. Il y a du Candide chez cet homme. Et une forme de stupéfacti­on quand il découvre, lui l’algérien, en Europe des démons semblables à ceux du pays qu’il a quitté. « J’ai payé cher le refus des voies qui m’étaient tracées. La France me disait : “Deviens islamiste, criminel ou assisté social et je t’ouvre les bras.” Vieille putain ! » Il n’a pas cessé depuis de mettre en garde la Vieille Putain contre ce qui l’attend, c’est-à-dire une guerre civile ou un califat, mais rares sont ceux qui l’ont pris au sérieux. Il nous reste son livre comme témoignage d’un homme lucide, courageux, qui ne craint pas d’écrire : « La France comporte aujourd’hui des enclaves peuplées d’arabomusul­mans. Si j’avais été français, je crois que j’aurais eu une opinion bien tranchée sur la question. J’aurais pensé que cette greffe est contre nature et dangereuse. » Imre Kertész, prix Nobel de littératur­e, aboutit à la même conclusion.

Il me plairait de ne pas être d’accord avec eux. Hélas… •

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