Causeur

SATAN ENTRE À SCIENCES PO

- Par Pierre Jova

« Moi vivant, le Front national ne sera jamais représenté à Sciences Po », aurait juré feu son directeur, Richard Descoings, décédé en 2012. La prophétie s’est accomplie : Richie est mort et des étudiants de L’IEP Paris ont annoncé la création d’une antenne du FN dans la maison. Au-delà de l’émotion médiatique suscitée par ce nouveau-né, à quoi ressemble le FN « Sciences Po » ? On retrouve à sa tête David Masson-weyl, un pur produit de l’écurie Philippot – lequel suit de très près les activités des frontistes de l’amphi Boutmy.

Autour de Masson-weyl, on est frappé par la forte présence d’anciens militants de gauche. Tous affirment n’avoir rien trahi, ils ont simplement rejoint le parti sur la base du souveraini­sme et de l’antilibéra­lisme. Ainsi Antoine Chudzik, étudiant en master et fils d’ouvriers. Ex-membre du Parti socialiste, ce descendant d’immigrés polonais de Montceau-les-mines explique être avant tout « fier de l’ histoire de France et de la IIIE République ». Il raconte avoir eu un « coup de coeur » pour Ségolène Royal en 2006 : « Elle montrait qu’on pouvait être de gauche et patriote. » Il milite pour elle jusqu’aux primaires de 2011, et vote François Hollande à la présidenti­elle, « contre l’austérité en Europe ». Il est rapidement déçu : « Le lâchage de Montebourg a été un déclic. Il est évident aujourd’hui que François Hollande adhère complèteme­nt au libéralism­e européen dominant. » Lecteur d’alain Finkielkra­ut, il estime que la vision du philosophe « devrait être celle de toute de la gauche républicai­ne ». Antoine condamne en bloc le communauta­risme, « y compris celui des catholique­s », et affirme que « SOS Racisme a pris le pouvoir au PS ». C’est cela qui le fait basculer au FN, et non chez Mélenchon : « Le Front de gauche est un parti de profs et de fils de profs, qui loue l’immigratio­n sans penser aux petites gens. »

Le Front de gauche, c’est de là que vient Davy Rodriguez, étudiant en master droit-éco, qui a été un membre actif de la section du Parti de gauche à Sciences Po. Natif de Saint-ouenl’aumône, près de Cergy, ses parents sont des immigrés espagnol et portugais. Il reproche à son ancien mouvement de ne pas aller au bout de sa logique : « Si Mélenchon était cohérent, il tiendrait le même discours que Georges Marchais sur l’immigratio­n, à savoir que la libre circulatio­n des capitaux va de pair avec la libre circulatio­n des personnes. » Davy a perdu l’amitié de nombre de ses anciens camarades, mais il est persuadé d’être resté fidèle à son idéal originel : « Contre l’europe libérale marchande, pour la République et la souveraine­té nationale. »

Dans une école « gauche cachemire », les étudiants frontistes parviendro­ntils à s’exprimer ? À y regarder de près, le FN Sciences Po ne manque pas de qualités pour se faire accepter : ses membres sont laïcards, voire, de leur propre aveu, bouffeurs de curés, et favorables au mariage gay. Toutes choses très bien portées rue Saint-guillaume. De là à ce que leurs rivaux démocrates de tous bords acceptent qu’un parti qui représente un Français sur quatre puisse s’exprimer librement… •

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