UN SAOUDIEN AUX DROITS DE L'HOMME, MA MAIN À COUPER!
Est-il bien raisonnable de laisser un cinéaste déraisonnable commenter chaque mois l'actualité en toute liberté ? Assurément non. Causeur a donc décidé de le faire.
Or donc, Faisal bin Hassan Trad, ambassadeur de l’arabie Saoudite à L’ONU, a pris, lundi 21 septembre, la tête du panel du Conseil des droits de l’homme. Ce panel consiste en un groupe de cinq diplomates, dont le rôle est notamment de choisir les experts chargés d’observer et de rapporter les atteintes aux droits de l’homme dans le monde.
L’arabie Saoudite a exécuté au moins 80 personnes depuis le début de l’année 2015, et d’après UN Human Rights Watch, elle « détient sans doute le pire des records en matière de liberté religieuse et de droits des femmes ». Les minorités (ethniques, religieuses, sexuelles) et les opposants politiques y sont sévèrement traités et régulièrement condamnés.
J’adore ce monde où l’on n’hésite plus à nous prendre ouvertement pour des cons.
Raif Badawi, opposant au régime et blogueur saoudien, condamné à 1 000 coups de fouet, doit apprécier cette merveilleuse nouvelle. Tout comme Ali Al-nimr, qui avait 17 ans lorsqu’il a été arrêté lors d’une manifestation antigouvernementale dans la province saoudienne de Qatif, en février 2012. Jugé sans avocat, il a finalement été condamné, le 27 mai dernier, après avoir épuisé tous les recours légaux, à la mort par crucifixion… mais après décapitation. Ouf. L’insolent ne pourra pas regarder ses bourreaux de haut !
Après avoir lu cette excellente nouvelle, je pars un peu plus tôt ce matin car je dois voir mon nutritionniste. Diplômé de la faculté de médecine des laboratoires Servier, certificat de nutrition au sein de l’hôpital Monsanto, mon médecin fait des miracles : grâce à lui et aux 47 pilules qu’il m’a prescrites, je ne suis plus malade, si l’on excepte les menus effets secondaires du télescopage de toutes ces chimies.
Et bientôt, avec un peu de chance, le texte proposé par la Commission européenne qui entend rendre illégales « la pousse, la reproduction ou la vente des semences de végétaux qui n’ont pas été testées et approuvées par une nouvelle autorité, l’agence européenne des variétés végétales », sera voté par le Parlement européen. « Des règles plus intelligentes pour des denrées alimentaires plus sûres : la Commission propose un paquet législatif primordial pour moderniser, simplifier et renforcer la filière agroalimentaire en Europe », apprend-on dans le journal.
Je n’aurai plus à redouter les méfaits gastro-entérologiques de ces fruits et légumes barbares et incontrôlés. Incroyable qu’à notre époque, on ne sache pas toujours ce qu’on a dans son assiette ! Dire qu’on fourre quotidiennement dans notre bouche des choses qui ont peut-être été touchées par des mains pleines de doigts !
Mon ordonnance pour une 48e pilule en main, je repars vers mon premier rendez-vous. Je suis déjà en retard. Relax. Radio : j’entends notre ministre de l’éducation, M. Franck Ribéry, s’inquiéter à juste titre de la baisse du niveau de langue de nos écoliers. Comme il le dit si justement, « Quand j’ai venu à ce ministère, c’est pour que les ceux qui zaprennent, y zaprennent jusqu’à quand que ce qui peuvent, donc le maximum ».
Enfin quelqu’un qui ne baisse pas les bras !
Je me gare comme je peux près du ministère de la Justice. Je suis vraiment très en retard. J’espère que le ministre ne m’annulera pas l’interview qu’il m’avait accordée. Je cours le long des immenses couloirs, croisant au passage Dodo la Saumure, le secrétaire d’état aux Droits des femmes, qui me salue d’un amical « Ça va, p’tite bite ? » et arrive tout essoufflé dans l’antichambre du ministre. Son secrétaire m’enjoint d’écourter mes questions, mais il va tout de même me recevoir. La porte s’ouvre et je me trouve face à un grand sourire bienveillant. Yes ! M. Cahuzac est dans un bon jour. « Monsieur le ministre… »
Je serre la main qu’il me tend et scotche la petite enveloppe bien rembourrée sous la table : l’interview peut commencer…
En repartant, j’arrive à ma voiture une minute trop tard pour éviter la contravention que le gardien de la guerre de faction est en train de coller sous mon essuie-glace. Arghhh !
Avant mon prochain rendez-vous, je dois passer au journal pour la conférence de rédaction mensuelle. J’adore ce moment et j’adore notre rédac chef. Même si je ne parle pas l’allemand, et en dépit de son grand âge, c’est toujours un plaisir riche d’enseignements de voir M. Goebbels à l’oeuvre.
Je ressors après trois heures et 500 pompes avec un travail supplémentaire dont je me serais bien passé : je dois couvrir le jumelage entre Pyongyang, capitale de la République populaire démocratique de Corée, et la ville de Paris dans le cadre de la Journée internationale des droits de l’homme sous le haut patronage d’amnesty International. Pour l’occasion, Anne Hidalgo a prévu 27 crises d’hystérie spontanées à l’entrée de Kim Jong-un et je suis tout de même curieux d’assister à l’entraînement de ces militantes bénévoles.
À ma grande surprise, leur formation est banale. On leur annonce des mauvaises nouvelles comme « Les autorités internationales s’intéressent au Darfour » ou « Charles Enderlin a avoué avant d’être ordonné prêtre », et ces sujets, choisis pour leurs dons exceptionnels, fondent en larmes dans la seconde. Moi qui m’attendais à un conditionnement sauvage, je repars avec à peine de quoi faire trois pages.
En route pour mon dernier rendezvous (un banal entretien avec Lance Armstrong, fraîchement élu président de la commission d’éthique du Comité international olympique), je suis bloqué par une manifestation des Femen.
Ces hystériques, menées d’une main de fer par Diam’s, se permettent une fois de plus d’interrompre violemment une manifestation officielle : la cérémonie d’inauguration de la flamme du briquet Bic, qui a utilement remplacé celle du soldat inconnu sous l’arc de Triomphe, en permettant au contribuable parisien de bénéficier du sponsoring de la marque et d’un stylo Cristal gratuit par habitant. Assises au milieu de la chaussée, enveloppées de leur burqa qui leur confère un anonymat bien pratique, chacune munie d’un grand sac poubelle noir de 100 litres généreusement rempli pour faire croire qu’elles sont deux fois plus nombreuses, elles défendent ardemment la cause des femmes au cri de « Bic, j’te nique ! Fumer c’est haram, je suis ma propre flamme ».
Même si je n’approuve pas toutes leurs actions (je pense en particulier à la descente qu’elles avaient faite l’année dernière dans des magasins de lingerie pour protester contre la transparence des soutiens-gorge au cri de « Etam c’est haram ! » ; je suis peut-être vieux jeu mais je maintiens que chacun est libre de montrer ses nichons), je ne peux m’empêcher d’éprouver admiration et sympathie pour ces femmes déterminées.
Lorsque j’arrive enfin à me dégager, je dois me rendre à l’évidence : ce n’est pas aujourd’hui que je rencontrerai Lance Armstrong. Je jette donc le bidon de formotérol que j’avais joliment enveloppé d’un papier doré enrubanné de rouge et je rentre chez moi retrouver ma femme et mon mari. Ils sont fous de joie de me voir revenir aussi tôt.
C’est au moment où mon chien est rentré de l’école que je me suis réveillé. J’ai plongé dans un café, encore sous le coup de ma nuit cauchemardesque. J’ai mis BFM et je l’ai vu !
Faisal bin Hassan Trad, ambassadeur permanent de l’arabie Saoudite à L’ONU, souriant aux photographes. Il venait d’être nommé à la tête du panel du Conseil des droits de l’homme ! •