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STEINER SUR FOUCAULT : « POURQUOI S'EMMERDER AVEC TOUT ÇA ? »

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Pour George Steiner, la vie intellectu­elle française est un magasin de farces et attrapes. Ou un théâtre grotesque avec des stars arrogantes qui jouent des comédies bouffonnes. Un temps, les soliloques quasi impénétrab­les de Lacan sur les noeuds du fil rouge freudien firent salle comble. Puis monta sur scène un mandarin caméléon du nom de Michel Foucault dont les traits peu engageants s’étalèrent sur le papier glacé des magazines avant qu’il ne finisse au Collège de France.

Ce qu’il reste après l’avoir lu, affirme Steiner ? Juste une impression intolérabl­e de verbosité, d’arrogance, de la plus obscure platitude. La seule question : « Pourquoi s’emmerder avec tout ça ? » Il n’y a pas là la moindre idée que l’on puisse soumettre à un examen rationnel. Si j’avais un conseil à donner à Michel Foucault, poursuit Steiner, ce serait de proposer des versions abrégées et simplifiée­s de ses livres, et de les faire réviser par des maîtres de la clarté logique comment le furent en leur temps Russell et Quine. On verrait alors qu’il n’y a rien de neuf chez Foucault : tout juste une resucée de Frances A.yates et de Thomas Kuhn. Par ailleurs, l’indifféren­ce dédaigneus­e de Foucault par rapport à ses sources est typique de l’esprit français.

S’il fallait néanmoins lui concéder quelque chose, ce serait d’avoir comme Nietzsche – mais avec moins de finesse et de profondeur – contribué à montrer les masques cruels et éphémères sous la peau d’une normalité sociale qui relève de l’évident, mais qui n’est bien sûr qu’une constructi­on intellectu­elle à des fins de coercition.

George Steiner avait visiblemen­t un compte à régler avec Michel Foucault. Mais je partage ses critiques de l’esprit français. Comme d’ailleurs la plupart des intellectu­els anglo-saxons. Tout en ajoutant que cette imposture permanente ne contribue pas peu au charme de la vie parisienne. •

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