Causeur

Robert Ménard « J'ai décidé d'empêcher la constructi­on de tout HLM en centre-ville »

La ville n'ayant pas le contrôle de l'attributio­n des logements sociaux, le maire de Béziers se refuse à créer de nouveaux ghettos.

- Propos recueillis par Gil Mihaely

Causeur. Quelles sont les caractéris­tiques du parc HLM de Béziers ? Robert Ménard. Je suis maire d’une ville qui compte plus de 7 000 logements sociaux. Plus de 90 % sont gérés par l’office public HLM. Quelques-uns le sont par l’office HLM du départemen­t et le reste par des acteurs privés. Mais il faut le savoir, même si ces logements sont situés sur ma commune, une bonne partie est attribuée par d’autres que la ville. L’état notamment peut décider des bénéficiai­res sans que la municipali­té n’ait son mot à dire !

En quoi est-ce problémati­que ? Si certaines HLM sont dégradées, ce n’est pas seulement parce qu’elles sont mal entretenue­s mais, il faut le dire, parce qu’elles sont occupées par des personnes qui ne respectent pas l’espace public, le détruisant avec une régularité de métronome. À Béziers, après la quatorzièm­e réparation d’une aire de jeux située entre plusieurs blocs HLM, j’ai d’abord averti la population que ça ne pouvait pas durer, puis j’ai arrêté de la réparer ! Un autre exemple : je devrais bénéficier d’aides pour remettre en état une cité HLM, dans un autre quartier, près de la gare. Mais je l’ai dit aux responsabl­es de la politique de la ville : repeindre les immeubles, refaire les cages d’escaliers et les ascenseurs, si c’est la même population qui est concentrée là, ça ne réglera rien du tout… Mais vous essayez néanmoins d'améliorer le parc HLM de votre ville ? Je m’y emploie, avec l’aide notamment de l’office public, tous les jours ! Mais il faut savoir que personne ou presque ne veut résider dans certains quartiers, si ce n’est pour habiter avec des membres de sa propre communauté. À La Devèze, un quartier « sensible » comme on dit, il y a des dizaines d’appartemen­ts vides. Certains ont été refaits et nous ne trouvons pas de locataires ! Beaucoup de gens demandent des logements sociaux mais ne veulent pas habiter dans ce quartier difficile. À Béziers, l’état a dépensé plus de 40 millions d’euros dans le cadre de la politique de la ville — sans parler des contributi­ons des différente­s collectivi­tés locales —, une politique qui bénéficie justement aux quartiers où il y a le plus de HLM… et on n’a rien réglé, au contraire ! Le quartier de La Devèze n’a jamais été aussi mono-ethnique ! Encore une fois, dans ces quartiers-là, ce n’est pas en changeant la taille des HLM ou en les repeignant que vous réglerez le problème. Le problème, ce sont certaines personnes qui y habitent et la trop grande concentrat­ion de telle ou telle communauté. Qu'est-ce qui vous empêche de régler le problème ? Comment voulez-vous que je le règle ? Je ne peux pas obliger les gens à aller vivre où ils ne veulent pas – et je les comprends d’une certaine façon ! Alors, ce que j’essaie de faire, c’est de construire des HLM hors des grandes cités, des petites unités de 30 ou 40 logements. Mais ça ne suffit pas, si l’état m’impose, dans ces petits ensembles de logements, des gens dont on sait qu’ils vont poser des problèmes... Lors des commission­s d’attributio­n des logements, nous nous interrogeo­ns sur les éventuelle­s dettes locatives des « candidats ». Mais il faudrait aussi, parallèlem­ent, mener des enquêtes approfondi­es pour savoir comment ceux qui solliciten­t un logement se sont comportés auparavant, bref, s’ils respectent les règles de vie en société. Je m’attache aussi à privilégie­r le « haut de gamme » des HLM, pour essayer d’attirer une population plus « paisible ». Aujourd’hui, quand un couple de jeunes instituteu­rs s’installent dans la ville, ils ne posent bien sûr aucun problème de voisinage. Mais il y a un certain nombre de familles dont on sait qu’elles pourrissen­t la vie des autres ! Nous en sommes arrivés – le communauta­risme gagnant sans cesse du terrain – à ce que telles cages d’escaliers soient réservées aux Turcs, telles autres aux Maghrébins et telles autres aux Gitans… Parce qu’on n’arrive pas à faire cohabiter les uns et les autres. Aussi, soucieux de l’image de ma ville, j’ai décidé d’empêcher la constructi­on de tout HLM en centrevill­e. Je n’en veux plus. Et la politique de la ville ? N'est-ce pas un levier d'action ? Béziers a bénéficié d’aides dans le cadre de la politique de la ville… mais que signifie au juste « changer l’habitat » ? On me dit qu’il faudrait qu’il y ait des gens qui accèdent à la propriété dans ces quartiers. L’état ne veut plus qu’on construise de logements sociaux dans ces « quartiers prioritair­es » (il y en a 200 « d’intérêt national » en France dont deux à Béziers). Mais qui, aujourd’hui, va acheter un appartemen­t à La Devèze ? Personne ! Il y a des années, pour parvenir à la fameuse « mixité sociale », mon prédécesse­ur a essayé de mettre en vente des appartemen­ts à La Devèze. On n’en a jamais vendu un seul ! Parce que ni vous ni moi n’irions y acheter un logement. Parmi les administré­s que je reçois tous les mercredis, un sur trois vient justement pour un logement. Avant même que j’ouvre la bouche, ils me disent : « Voilà, Monsieur le maire, je cherche un logement… Mais pas à La Devèze ! » La seule solution est d’amener du travail, de l’activité dans ces quartiers. Il faut qu’ils cessent d’être des ghettos. Nous ne ménageons pas nos efforts pour y parvenir. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire… Voilà la réalité, tout le reste, c’est du baratin ! Alors le « vivre ensemble » quand personne ne veut « vivre ensemble », comment voulez-vous faire ? Et cela n’a rien à voir avec des questions de pauvreté comme on veut nous le faire croire ! Mais d’abord et avant tout, cela résulte d’une immigratio­n massive. J’ai passé mon adolescenc­e à La Devèze. Il n’y avait alors aucun souci. Aujourd’hui, c’est devenu un quartier majoritair­ement musulman où une bonne partie des femmes sont voilées. Vous auriez envie d’y élever vos enfants ? Les élus n’osent pas le dire, mais c’est bien le problème ! •

Beaucoup de gens demandent des logements sociaux mais ne veulent pas habiter dans un quartier difficile.

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