Causeur

La France de Jean-luc Mélenchon

Jean-luc Mélenchon n'a pas répondu aux questions écrites que nous lui avions adressées. Ce n'est pas une raison pour le soupçonner d'antipatrio­tisme, quoiqu'il ait tendance à réduire la nation à sa seule histoire républicai­ne.

- Daoud Boughezala

Sa métamorpho­se en a désarçonné plus d'un. En cinq ans, Jean-luc Mélenchon a troqué les fanions rouges du Front de gauche contre les drapeaux tricolores de La France insoumise. Si bien qu'à la gauche de la gauche, certains pointent la prétendue dérive nationalis­te de celui qui se revendique désormais « candidat du peuple » (quelle horreur !).

On comprend leur désarroi. Au Mélenchon alterophil­e décrétant en 2012 sur la Canebière que « notre chance, c'est le métissage » avant de louanger les « Arabes et Berbères » ayant importé « la science, les mathématiq­ues ou la médecine » sur le Vieux Continent, a succédé un bretteur populiste bien plus circonspec­t. Au terme du quinquenna­t Hollande, Jean-luc Mélenchon s'est émancipé de ses très mondialist­es alliés du PCF, intégrant au passage la demande populaire de frontières. Son livre-programme, Le Choix de l'insoumissi­on (Le Seuil, 2016), développe sa vision de l'immigratio­n : « Si on ne veut pas que les gens viennent, il vaut mieux qu'ils ne partent pas [...] Donc éteignons l'une après l'autre les causes de leur départ. Elles sont très simples, c'est la guerre et la misère. Une fois que les gens sont là, que voulez-vous faire ? Les rejeter à la mer ? Non, c'est absolument impossible. Donc il vaudrait mieux qu'ils restent chez eux. »

Et l'insoumis d'enfoncer le clou devant les ouvriers de Florange en janvier dernier, se déclarant favorable à la « régularisa­tion des travailleu­rs sans papiers mais pas pour le déménageme­nt permanent du monde, ni pour les marchandis­es ni pour les êtres humains ». Protection­niste et antilibéra­l, Jean-luc Mélenchon n'en reste pas moins partisan d'une « république universell­e » multiplian­t les droits-créances. Son programme entend de surcroît « faire France de tout bois » par la généralisa­tion du droit du sol et des naturalisa­tions, le tout au nom d'une politique de lutte contre les discrimina­tions on ne peut plus consensuel­le à bâbord.

Certaines de ses déclaratio­ns ont pourtant choqué jusque dans ses propres rangs. Notamment à l'automne, lors de la navrante polémique autour du « Nos ancêtres les gaulois » qu'avait lâché Nicolas Sarkozy. À la différence d'un Juppé, Mélenchon ne s'est pas dressé sur ses ergots : « Je ne veux pas d'une ethnicisat­ion gauloise du débat. Mais oui, je dis que nous sommes les filles et les fils des Lumières et de la grande Révolution ! À partir du moment où l'on est français, on adopte le récit national » dont 1789 constituer­ait « le moment fondateur », arguait-il sur C8.

Mais gare à ne pas désespérer Clémentine Autain. Aussi, au lendemain des attentats du Bataclan, le futur candidat tweetait : « La France est multicultu­relle, et encore heureux. Ce que nous avons en commun, c'est la loi. » On ne saurait mieux résumer les « pudeurs de gazelle [sic] » qui étreignent Mélenchon dès lors qu'une certaine religion entre dans le débat. Son surmoi antiracist­e le fait alors sombrer tantôt dans l'irénisme, tantôt dans le relativism­e – ainsi comparet-il les islamistes aux catholique­s anti-ivg, non sans fustiger « tous les communauta­rismes » à commencer par le Crif...

Citoyen Jean-luc, encore un effort pour être vraiment patriote – comme les soldats de l'an II !

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