Causeur

C'ÉTAIT ÉCRIT PAS D'ALCOOTEST POUR ALCIBIADE !

- Par Jérôme Leroy

Si la réalité dépasse parfois la fiction, c'est que la fiction précède souvent la réalité. La littératur­e prévoit l'avenir. Cette chronique le prouve. Connaissez-vous Marie-martine Schyns ? Elle est belge, ministre de l'éducation de la communauté française. C'est une jolie trentenair­e issue de la démocratie chrétienne, et c'est assez logiquemen­t qu'elle marque une prédilecti­on pour la Val-dieu, une bière d'abbaye qui titre entre 6 et 9 degrés. Le problème est qu'elle vient, pour la seconde fois en dix mois, d'être contrôlée positive au volant, avec un taux trois fois supérieur à celui autorisé. Elle a fait amende honorable, d'autant plus qu'une de ses missions est la prévention de l'alcoolisme chez les jeunes et que son second contrôle a eu lieu lors d'une opération « Week-end sans alcool », ce qui la fiche mal : « C'est d'autant plus grave si l'on considère les fonctions que j'occupe, et je présente mes excuses les plus sincères. » Elle a échappé de justesse à la démission, Mariemarti­ne, car la Belgique n'est pas encore sous la coupe du rigorisme anglo-saxon ou scandinave. Certes, un journalist­e s'indigne de ce que, « au lieu de travailler la ministre préfère faire la fête ». Pourtant, rien ne prouve que la dipsomanie de la charmante ministre soit incompatib­le avec l'exercice du pouvoir. Ministre de l'éducation, Marie-martine aurait pu ainsi invoquer l'iliade où aucune décision ne se prend sans d'interminab­les libations, ou rappeler la figure d'alcibiade, un des plus grands hommes d'état athénien, arrivant au Banquet comme nous le raconte Platon, complèteme­nt ivre : « Soudain, les convives entendent un grand bruit à la porte extérieure. On y frappe à coups redoublés, la voix de jeunes gens avinés et d'une joueuse de flûte se fit entendre. C'est Alcibiade qui survient, ivre mort. » Ce qui ne l'empêchera pas de demander encore à boire, non dans une banale coupe, mais « dans un vase ». Et, même si c'est moins son genre de beauté, Mariemarti­ne aurait pu conclure par cette phrase de Guy Debord dans Panégyriqu­e : « Certaines de mes raisons de boire sont estimables. » •

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