Causeur

LE TOUR DU MONDE POUR PRESQUE RIEN!

- Par Basile de Koch

Avec la compagnie De Koch, embarquez pour une croisière culturelle tout à fait gratuite, de la Trump Tower au Kremlin en passant par Budapest et Fukushima (boissons incluses). DELENDA EST BUDAPEST Jeudi 23 février

Budapest retire sa candidatur­e aux JO de 2024. C'est la moindre des choses vu que, selon Robert Benchley, cette ville n'existe pas. À en croire l'humoriste (1889-1945), fleuron américain de la nonsense literature, l'affaire est simple comme au revoir : Budapest a définitive­ment disparu avec le traité d'ulm (1802), qui lui-même avait mis fin à la fameuse guerre de 1805 entre Slovaques et Bulghs. Après s'être battus sauvagemen­t pour refiler la ville à l'autre, raconte Benchley, les deux peuples se sont finalement mis d'accord pour l'« annuler » purement et simplement : « Qu'il soit bien entendu que Budapest n'existe plus, stipule le traité. Si les habitants ne sont pas contents, ils n'ont qu'à aller habiter ailleurs. » Et notre auteur de citer à l'appui de sa démonstrat­ion, outre l'atlas de Nerdlinger (1921), les travaux d'un certain Dr Almer, « professeur d'opiniâtret­é à l'université de Pinsk ». Dans son ouvrage intitulé Cités disparues d'europe, il met les points sur les i : « Depuis 1802, Budapest n'existe plus. C'est bien dommage, mais inclinons-nous devant les faits. » Et quoi ? Vous n'êtes pas sensible à l'absurde ? Et Camus, alors ? Songez-y : l'inexistenc­e de Budapest n'annonce-t-elle pas, quelque part au niveau du nonvécu, l'absence de Meursault à sa propre vie ?

LE ROMAN DU PROFESSEUR BOUCHERON Lundi 27 février

Qui a dit que la pub était interdite sur le service public après 20 h ? Ce soir vers 23 h sur France 2, j'ai pu en voir une de 15' vantant les mérites de la déjà fameuse Histoire mondiale de la France. Ce spot, baptisé « Enquête » pour faire joli, était habilement inséré dans Stupéfiant !, hebdo culturel branchouil­le animé par la pénible Léa Salamé. En tête de gondole, comme il se doit, le maître d'oeuvre de cette somme, coécrite par pas moins de 122 historiens : j'ai nommé Patrick Boucheron, professeur au Collège de France et nouvelle coqueluche de la gauche CSP+. Leur pavé, nous explique la voix off, « s'attaque au mythe d'une France glorieuse, figée dans son identité » (coin-coin). On aura reconnu ce redoutable « récit national » qui nous a fait tant de mal, et qu'il est désormais convenu d'appeler roman pour souligner son caractère fictif. Comme dit notre Collégien de France avec ses mots à lui, « l'histoire qu'on a à raconter, c'est l'histoire de France aujourd'hui, en tant que notre condition historique aujourd'hui c'est le rapport au monde qui la change ». Comment aller là contre ? Casté par Salamé pour jouer le rôle du méchant, l'ami Jean-christophe Buisson se fait un plaisir de décrypter ce charabia : « Patrick Boucheron l'écrit lui-même dans sa préface : sa démarche est politique. Elle consiste à raconter l'histoire de France d'un point de vue non français. »

À nouveau, le rappel à l'ordre nous vient de la voix off : « L'histoire est une science, comme les mathématiq­ues et la physique. » Même pas « humaine » ? Même pas « molle » ? On ne dirait pas, à entendre le Pr Boucheron : « C'est quand même quelque chose, s'indignet-il, cette difficulté que nous avons aujourd'hui à faire croire que la science est vraie ! » (Admirons le « faire croire ».) « L' histoire, conclut Patrick avant de tourner le dos, c'est pas une opinion ! » Tenez-vous le pour dit, bande d'opinionoma­nes ! Boucheron détient la Vérité, et il ne veut voir qu'une seule tête… Sinon quoi ? Il la coupe ? M'est avis que les gens de son espèce, persuadés par hypothèse d'avoir toujours raison, sont des dangers pour la démocratie. Et pour une fois, je ne dis pas ça pour déconner.

SCRITTI POLITICI Dimanche 5 mars

On est mal pris ! Non seulement il n'y a qu'une politique possible, mais personne n'a jamais réussi à l'appliquer.

FUKUSHIMA MON AMOUR Samedi 11 mars

France Info, 15 h 02 : « … À l'appel de Greenpeace, manifestat­ions dans toute la France pour célébrer [sic] le sixième anniversai­re de la catastroph­e nucléaire de Fukushima, qui avait fait 18 000 morts. » Sans vouloir prendre la défense de l'accident nucléaire, ce raccourci est un peu rapide. Selon l'ami Wikipédia, « le tsunami [lui-même consécutif au séisme] est à l'origine de plus de 90 % des 18 079 morts et disparus ». Bref, si j'avais su à temps pour la manif de Greenpeace, j'y serais allé avec mes potes, ma pancarte « » et un ou deux slogans à base d'antiséisme primaire. Tsunami, non merci !

LE DANGER LEPÉNISTE DES ORIGINES À NOS JOURS Dimanche 19 mars

La grande différence entre Marine Le Pen et son père, nous explique-t-on aujourd'hui, c'est que Jean-marie Le Pen ne voulait pas devenir président pour de vrai ; juste occuper dans le système la « fonction tribunitie­nne » (fouteur de merde, quoi). À en croire ce storytelli­ng, tout aurait changé en 2011 avec l'arrivée à la tête du FN de Marine, prête à tout pour conquérir le pouvoir et donc dangereuse, elle. Mais dans ce cas, comment se fait-il que personne, pendant vingt-cinq ans, ne nous ait jamais dit : « Pas de panique les gars, ce Matamore n'est là que pour la parade » ? Au contraire, si je comprends bien, on nous aura tympanisés tout ce temps avec un danger radicaleme­nt inexistant. En 2002, entre les deux tours de la présidenti­elle, la « Quinzaine de la Haine » avait mobilisé des millions de glands contre rien du tout. Dans l'immense et vain cortège où ces ilotes, ivres d'une rage sans objet, hurlaient « F comme fasciste, N comme nazi », je n'avais trouvé de place décente qu'avec la mince troupe des Grolandais, dont le slogan était seul à la hauteur des enjeux : « Le Pen, gros patapouf ! » Quinze ans après, l'heure aurait donc sonné de s'angoisser vraiment... Reste à savoir si c'est encore possible, après un quart de siècle à crier au loup pour un vulgaire cabot.

BONS BAISERS DE MARINE Samedi 25 mars

Le Pen encore : en janvier dernier, la bonne presse avait abondammen­t moqué la candidate du FN quand elle faisait tapisserie au bar de la Trump Tower. Aujourd'hui, les mêmes ne décolèrent pas après son entretien d'une heure trente avec le président Poutine. Décidément, ces gens ne sont jamais contents ! Je me demande comment ils vont le prendre, quand la Marine sera reçue par le dalaï-lama.

SCRITTI POLITICI (II) Lundi 27 mars

La preuve que notre justice est indépendan­te, c'est qu'elle a condamné à mort le général de Gaulle et le maréchal Pétain. •

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Patrick Boucheron.
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Robert Benchley.

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