Daech et la harde sauvage
« Irak : trois djihadistes de Daech massacrés par des sangliers. » L’article publié le 25 avril par le très sérieux quotidien britannique The Daily Telegraph avait tout de l’info en or. Non seulement nos ennemis y prenaient la pâtée, mais cette défaite humiliante leur était infligée par des porcs. Ce scoop, qui a fait instantanément les choux gras de la presse mondiale, avait vraiment tout pour plaire. Sauf qu’il était totalement bidon.
L’article du Daily Telegraph fourmillait pourtant de détails crédibles, la fameuse règle anglo-saxonne des « cinq W » (who, what, where, when, why) ayant été respectée au cordeau par Raf Sanchez, le correspondant du journal en Irak. En résumé, expliquait-il, les cadavres de trois djihadistes « atrocement mutilés » venaient d’être découverts la semaine précédente près d’al Rashad, au sud de Kirkouk, par des réfugiés fuyant une enclave islamiste. Après enquête des autorités, il est apparu que les miliciens en charge d’une exploitation agricole de Daech avaient commencé à tirer sur les quelques bestiaux impies qui s’ébrouaient dans leurs champs. Mais à peine avaient-il commencé leur besogne qu’ils ont été sauvagement attaqués en retour par le reste de la harde, avec le bilan qu’on sait. L’affaire, d’abord rapportée par l’agence de presse Iraqi News, a été formellement confirmée au correspondant du Telegraph par le chef des services de renseignements des peshmerga kurdes dans le secteur.
Hélas pour le journaliste du Telegraph, elle s’est finalement révélée avoir été inventée du tout au tout par des spécialistes irakiens de la guerre psychologique. Comme toute « fake news » de qualité, l’histoire avait été forgée autour d’un fait réel : la difficile coexistence entre djihadistes et sangliers dans le secteur d’al Rashad. Il suffisait juste de l’améliorer un peu, pour enthousiasmer une presse irakienne dont on sait qu’elle avale n’importe quoi du moment qu’on ridiculise Daech. Le succès mondial de ce bobard prouve que les lecteurs irakiens n’ont pas le monopole de la naïveté. N’allez pas croire que je me moque gratuitement : pour tout vous dire, moi aussi, au début, j’y ai cru… •