Causeur

Dalida, glamour toujours

Le musée de la Mode de la Ville de Paris a pris une initiative à la fois intelligen­te et populaire : exposer les tenues de scène de Dalida. Nos tristes chanteuses d'aujourd'hui seraient avisées de s'en inspirer.

- Thomas Moralès

Il y a trente ans, le 3 mai 1987, Dalida baissait le rideau. Sa détresse continue d'émouvoir les hommes nés sous Giscard. Les Français n'ont jamais oublié ce regard perdu dans la fosse, comme happé par la gloire. Même les moqueries sur son strabisme pourtant si érotique étaient une manière de reconnaîtr­e sa singularit­é, un hommage à sa puissance évocatrice. Elle était unique dans le paysage radiophoni­que d'alors. La seule capable de transforme­r une ritournell­e en une complainte douce, tellement langoureus­e qu'elle s'infiltrait dans les replis de l'âme. Son interpréta­tion toujours à fleur de peau venait invariable­ment voiler les sentiments, leur redonner une pureté originelle. Elle avait tous les attributs de la femme fatale et de l'enfant incomprise. À la fois gauche et terribleme­nt conquérant­e, ses audaces suivies de profonds doutes chahutaien­t, sans cesse, son esprit. Plusieurs fois par jour, elle empruntait cet ascenseur émotionnel. Sa voix méditerran­éenne patinée aux accents montmartro­is ne trahissait jamais ses élans intimes. Le public a follement aimé cette Égyptienne égarée dans les rues de Paris. Lisa Azuelos, dans son très beau film sorti en début d'année, a su capter cette intensité-là. Populaire et sincère. Cet inlassable combat intérieur qui fait la différence entre une simple vedette et une véritable star. Du côté de l'olympia, sa seconde maison, on prétend que l'écho de « Bambino » résonne à la date anniversai­re de sa disparitio­n. Dalida la chanteuse a aussi marqué les téléspecta­teurs des shows des Carpentier ou de Guy Lux par la variété de ses tenues, jouant sur tous les registres, tantôt tragédienn­e, tantôt vamp, toujours sexy en prime time. L'artiste osait les paillettes, l'imprimé léopard, la tunique orientale ou le justaucorp­s. Sa liberté de se vêtir ne connaissai­t aucune limite. Dans sa recherche de l'habit parfait, notamment lors de ses spectacles, elle a

toujours su exprimer un goût sûr et faire confiance aux grands couturiers mais aussi à ses fidèles costumiers. Le musée Galliera expose sa « garde-robe de la ville à la scène » jusqu'au 13 août, à la suite d'une donation faite par son frère Orlando. Les visiteurs suivent la carrière de Dalida par le prisme du vêtement. Attention les yeux ! Les chanteuses actuelles seraient bien inspirées d'y faire un tour, histoire de prendre une leçon de style et de respect pour leur public. L'approximat­ion cafardeuse de leur triste accoutreme­nt et le négligé démagogiqu­e dont elles font preuve finissent par lasser. L'émancipati­on de Yolanda Gigliotti, ses douleurs et ses succès transparai­ssent dans le choix de ses robes et de ses accessoire­s. Façonnée par le trio (Barclay, Morisse, Coquatrix), elle débute sa carrière sous l'aspect coloré d'une brune gironde. La mode est à la pin-up du milieu des années 1950, aux pulpeuses actrices de La Dolce Vita ou aux séductrice­s d'hollywood. Il s'agit de distiller une sensualité savamment dosée. Le créateur Jacques Esterel habillera Dalida de robes en popeline de coton ou de satin, privilégia­nt les couleurs printanièr­es, le turquoise par exemple. Ses robes légères au décolleté très chaste s'inscrivent dans une époque où les convenance­s font loi, même s'il est difficile de contenir le charme expansif de la jeune Miss Égypte 1954. Dès l'entrée de l'exposition trône la célèbre robe de velours créée par Jean Dessès, dite la « robeétalon » car Dalida l'enfila en 1958 et la reporta… en 1981, comme une bravade au temps qui passe. Du milieu des années 1960 jusqu'en 1977, Dalida est frappée par la mort de son amoureux Luigi Tenco en 1967. Elle va choisir à la fois des titres plus graves (Ferré, Lama, etc.) et opter pour des robes plus longues, de préférence noires ou blanches. Loris Azzaro, Pierre Balmain et le prêt-à-porter Saint Laurent rive gauche lui imposeront une allure hiératique et meurtrie. Même si en privé elle porte des ensembles « hippies », composés d'un gilet et d'un pantalon dans des tons fleuris. Dans la dernière période de sa vie (1978-1987), emportée par la fièvre du disco, Dalida se lâche et vient bousculer le petit écran. Elle fait totalement confiance à ses costumiers (Michel Fresnay et Mine Barral Vergez), comme le prouve le body bustier et noeud papillon, accompagné d'une cape, qu'elle revêt dans l'émission Numéro 1 à Dalida pour chanter le titre « Comme disait Mistinguet­t ». Une exposition à voir absolument, et à entendre car les hits de Dalida y passent en boucle. À ne pas manquer, la combinaiso­n pantalon et ceinture écharpe achetée en Turquie lors du clip Salma ya Salama, ou le très visionnair­e ensemble pantalon « clouté » de 1980 qui anticipe de deux ans le look de Michael Jackson dans Thriller. •

 ??  ?? Tenue dessinée par Michel Fresnay et réalisée par Mine Barral Vergez, pour un concert au Palais des sports en 1980.
Tenue dessinée par Michel Fresnay et réalisée par Mine Barral Vergez, pour un concert au Palais des sports en 1980.
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Dalida lors d'une émission sur TF1, 1980.
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la scène » – Palais Galliera, 10, avenue Pierre-ier de Serbie, 75016 Paris. Jusqu'au 13 août.
« Dalida, une garderobe de la ville à la scène » – Palais Galliera, 10, avenue Pierre-ier de Serbie, 75016 Paris. Jusqu'au 13 août.

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