Causeur

C'ÉTAIT ÉCRIT DANS L'ARÈNE ÉLECTORALE…

- Par Jérôme Leroy

Si la réalité dépasse parfois la fiction, c'est que la fiction précède souvent la réalité. La littératur­e prévoit l'avenir. Cette chronique le prouve. Dans les candidats de La République en marche aux prochaines législativ­es, l'une des rares à ne pas cadrer avec le progressis­me macronien était Marie Sara (dont on ne connaît pas le score à l'heure où nous bouclons). Marie Sara est une belle quinqua blonde au port aristocrat­ique mais elle a aussi été torera. Sans être aficionado, j'ai beaucoup aimé les corridas que j'ai vues dans ma vie, sans doute pour une raison qu'hemingway résume parfaiteme­nt dans un reportage de 1923 : « La tauromachi­e n'est pas un sport. Elle n'a jamais prétendu l'être. C'est une tragédie. Cette tragédie est la mort du taureau. » Même si je suis bien conscient que la corrida pose un problème dans une société qui commence à se demander si le foie gras n'est pas un traitement cruel pour les canards, allaitje ne provoquerm'étais pasun tel imaginétol­lé : que« Marie cette Sara candidatur­e est surtout connue pour avoir exercé comme rejoneador­a, torera à cheval, pendant quinze à vingt ans, jusqu'en 2007. Elle a ainsi charcuté jusqu'à la mort des centaines de taureaux », peut-on lire sur le site d'un collectif de vétérinair­es anticorrid­as, et ce n'est qu'une des multiples réactions parfois très hostiles. Peuvent-ils entendre, ces amis des bêtes, ce que Marie Sara avait écrit dans son autobiogra­phie parue en 1997 ? « J'avais quatorze ans. Je me rappellera­i toute ma vie l'entrée de ce taureau dans l'arène, la violence inouïe de son irruption, cette masse noire, indomptée, frénétique. J'avais sous les yeux un pur moment de vérité. » Pour une « charcutièr­e », on lui reconnaîtr­a un certain courage : elle a été plusieurs fois blessée dont une fois assez sérieuseme­nt en 2007. D'ailleurs, comme le remarquait Hemingway : « Les courses de taureaux sont une pratique excessivem­ent dangereuse. En seize combats, je n'en ai vu que deux au cours desquels personne ne fut grièvement blessé. » Le plus ironique, c'est que ces indignés en oublient l'antifascis­me officiel devenu impératif catégoriqu­e. En effet, le sortant de la deuxième circonscri­ption du Gard où se présente Marie Sara n'est autre que Gilbert Collard. Marie Sara paraît bien décidée à combattre ce taureau-là aussi : « J'ai l'habitude de descendre dans les arènes. C'est un bel adversaire, je sais qui est Gilbert Collard, c'est aussi pour qu'il ne soit pas réélu que je suis candidate. » On remarquera qu'elle a pour lui, aussi, le même respect que la torera avait pour le taureau et qu'elle sait, comme Hemingway, qu'« il n'y a pas de match nul en tauromachi­e ». Ce qui fait l'un des points communs entre élection et corrida. •

Newspapers in French

Newspapers from France