Causeur

Stavisky, tuer n'est pas jouer

Revivez la plus grande affaire des années 1930 et faites connaissan­ce avec le double jeu du « beau Sacha ».

- Thomas Morales

Cet été, plongez dans le bain d'un vrai scandale d'état, pataugez gaiement dans les eaux fangeuses de la IIIE République. Ce Sacha-alexandre Stavisky n'a pas révélé tous ses secrets depuis que l'on a retrouvé son cadavre, le 8 janvier 1934, dans le chalet Le Vieux Logis près de Chamonix, en Hautesavoi­e. Les éditions Atlantica republient L’affaire Stavisky de Jean-michel Charlier et Marcel Montarron, parue une première fois en 1974 dans la collection « Les dossiers noirs » de Robert Laffont. Parions que dans cinquante ans Alexandre Stavisky, fils d'immigrés russes, prince de l'arnaque et déclencheu­r de la chute d'un gouverneme­nt, fascinera toujours les amateurs d'intrigues politico-financière­s. Alain Resnais n'avait pas résisté à adapter cette affaire au cinéma en engageant Jean-paul Belmondo dans le rôle-titre. Joseph Kessel écrivit même un très personnel Stavisky, l’homme que j’ai connu. Pourquoi une telle attraction pour un personnage aussi fuyant ? D'abord, il y a ce train de vie somptuaire qui fait fondre la ménagère et suscite tant de questions sur son origine. « Monsieur Alexandre » jouit, en apparence, d'une fortune sans aucune limite. Il est intouchabl­e. Arlette, son épouse, ex-mannequin Chanel, brune hiératique à se damner, illumine de sa grâce ce modeste faussaire jadis fiché comme laveur de chèques et joueur profession­nel. Lestée de quelques bijoux, elle arpente les concours d'élégance dans une rutilante Hispano tandis que son mari joue au baccara avec le baron Empain, parle chevaux avec les Rothschild, congédie des ministres au petit déjeuner, finance des journaux et s'achète le théâtre de L'empire. Les conditions rocamboles­ques de son suicide alimentero­nt longtemps les rumeurs et les gazettes. Le Canard enchaîné en date du 10 janvier 1934 met à la une cette accusation : « Stavisky se suicide d’un coup de revolver qui lui a été tiré à bout portant. » C'est la première fois qu'un droitier se suicide de la main gauche. Les deux enquêteurs s'interrogen­t sur cette zone grise où hommes politiques, financiers de haute volée, porte-flingues, avocats marrons et policiers véreux piétinent allègremen­t la loi. L'affaire Stavisky va secouer la France, déclenchan­t les événements de février 1934 devant la Chambre, puis la décapitati­on du conseiller Albert Prince, cet ancien chef de la section financière du parquet dont le corps fut retrouvé sur une voie ferrée. Un imbroglio inimaginab­le où une mère perdrait ses petits. Et toujours cette lancinante question : qui était vraiment Stavisky ? Un seigneur de la finance ou un vulgaire homme de paille ? Un bon père de famille ou un menteur pathologiq­ue ? Qui avait des raisons d'assassiner cet homme qui en savait trop sur les compromiss­ions du pouvoir ? Dans ce feuilleton haletant, on retrouve les pontes du radical-socialisme, les prestidigi­tateurs des opérations sur les changes, des receleurs de bas étage, mais aussi le visage de l'inspecteur Bonny, « ex-premier policier de France » fusillé à la Libération pour avoir été le lieutenant de Lafont, le maître de la rue Lauriston. Une époque palpitante, pleine de ramificati­ons mortifères, de personnage­s sortis d'une série noire et, en fond sonore, la colère du peuple qui monte, qui monte… •

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Affaire Stavisky : contre-manifestat­ion du 12 février 1934.
 ??  ?? L’affaire Stavisky : les dessous d’un scandale national, de Jean-michel Charlier et Marcel Montarron, éditions Atlantica, 2017.
L’affaire Stavisky : les dessous d’un scandale national, de Jean-michel Charlier et Marcel Montarron, éditions Atlantica, 2017.

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