Manuel d'histoire, second degré
de cette Histoire, qui s’inspire expressément des ouvrages de Lavisse et de ces manuels scolaires richement illustrés remontant à une époque où l’on tenait à apprendre aux enfants du peuple le roman national. Un roman à rebondissements, comme Le Comte de Monte-cristo, avec ses heures de tristesse et ses jours de gloire, ses rois et ses empereurs, ses financiers et ses laboureurs, ses batailles et ses révolutions, tout un monde qui venait peupler la mémoire et permettait d’être fier de se sentir français. « Oh ! Vous vous rappelez ce dessin-là, Jules Ferry et ses gros favoris ? » Cependant, non contente d’être une machine à faire rire, l’histoire de Basile de Koch est aussi un vrai livre d’histoire qui (c’est la cinquième joye) nous donne l’occasion de réapprendre un certain nombre de noms, de lieux et, surtout, de dates. De fait, le Lavisse ici pastiché était le vaisseau amiral d’une historiographie encore structurée par la chronologie, loin des approches prétentieusement thématiques d’aujourd’hui. On n’y mettait pas la charrue avant les boeufs ni l’effet avant la cause. Voilà pourquoi le livre de Basile de Koch, même s’il fourmille d’anachronismes cocasses, est aussi un recueil de dates et de faits que les lycéens et les étudiants pourraient utiliser pour mémoriser sur un mode ludique un savoir de base, mais néanmoins très supérieur à celui que possèdent 99 % des bacheliers. Et à force d’apprendre, on finit par comprendre, sixième joye ! Comprendre ce que l’auteur a voulu dire, tout en le dissimulant derrière la bouffonnerie de son propos et l’usage immodéré du deuxième degré. Leo Strauss appelait cela « l’art d’écrire » : de dire des choses d’une certaine manière, qui leur permet de passer les contrôles de la censure et les fourches caudines de la pensée unique. Pour qui ne s’en serait pas aperçu, Basile de Koch explicite son propos dans un avertissement signé Patrice Moucheron, professeur d’histoire à l’école centrale d’électronique : « Je déconseille formellement à quiconque la lecture de cet opuscule qui, sous couvert d’humour, apporte sournoisement sa pierre à l’édification d’un nauséabond “roman national”. (…) Cette brochure véhicule les pires clichés sur une “France” aussi grandiose qu’imaginaire – faisant ainsi le jeu des adeptes de la pensée antihistorique, c’est-à-dire en dernière analyse, contre-révolutionnaire. » Avertissement suivi d’un avant-propos de l’auteur que l’on pourrait croire intégralement au deuxième degré, alors qu’il n’en est rien : « La voici de retour, la véritable histoire de France, celle qu’on n’ose plus enseigner à nos enfants ! (…) Une magnifique histoire, maltraitée des décennies durant par la pédagogie ministérielle en vertu d’une obsession idéologique : “déconstruire” notre passé commun au nom d’un futur mondialisé, déraciné, uniformisé, informe, effroyable. » Ou comment l’humour permet de dire des choses qui, sans lui, paraîtraient inaudibles. Et la septième joye du livre est qu’il nous pousse, par-delà les fous rires, à ne pas oublier ce que recommande Lavisse dans la formule placée en exergue : « Tu dois aimer la France parce que la nature l’a faite belle, et que l’histoire l’a faite grande. » •