Causeur

Danger, Shakespear­e !

- Par Gil Mihaely

Les étudiants en littératur­e anglaise de la prestigieu­se université de Cambridge ont vu récemment apparaître sur leur emploi du temps des triangles rouges avec un point d’exclamatio­n (« trigger warning », un pictogramm­e reprenant le panneau routier signe d’un danger imminent). L’objectif de cette signalétiq­ue est d’indiquer les conférence­s au cours desquelles le professeur risque de choquer la classe en analysant des oeuvres littéraire­s contenant des violences sexuelles ou des propos possibleme­nt discrimina­toires. Il est vrai que l’une de ces conférence­s traite frontaleme­nt de ce genre de violence puisqu’on y étudie notamment la pièce de Shakespear­e Titus Andronicus. Cette oeuvre, parmi les moins connues mais les plus sanguinair­es du dramaturge, raconte l’histoire d’un général romain imaginaire accédant au trône impérial après la mort de son empereur de frère. Truffée de mutilation­s, de viols, d’assassinat­s, cette orgie de violence se voit couronnée par une scène où on cuisine des têtes d’humains fraîchemen­t décapités. Une telle débauche d’horreur explique sans doute l’aversion des milieux intellectu­els pour cette pièce, la moins représenté­e du répertoire shakespear­ien. On pourra néanmoins s’interroger sur la prétention de cette faculté hors d’âge à protéger des étudiants nés dans les années 1990, donc biberonnés à Reservoir Dogs, Blair Witch, Youporn et aux jeux vidéo ultraviole­nts, voire aux atrocités filmées de l’état islamique. La réalité est probableme­nt plus cynique : Cambridge se protège avant tout elle-même, car elle craint que ses étudiants la poursuiven­t en justice ou pire, la dénigrent sur les réseaux sociaux. •

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France