Causeur

C'ÉTAIT ÉCRIT INCLUSION, PIÈGE À CON.NE.S !

Si la réalité dépasse parfois la fiction, c'est que la fiction précède souvent la réalité. La littératur­e prévoit l'avenir. Cette chronique le prouve.

- Par Jérôme Leroy

On pourrait penser que la polémique sur l’écriture inclusive, qui consiste à parsemer la langue française de points et de tirets afin de détruire les stéréotype­s de genre, en en finissant avec cette effroyable domination grammatica­le du masculin sur le féminin, ressemble à toutes celles qui éclatent avec virulence à chaque réforme de l’orthograph­e. Le problème est qu’il ne s’agit pas ici d’une réforme de l’orthograph­e classique, comme celles qu’initie la plupart du temps l’académie française, qui consistent en quelques toilettage­s de bon sens. Non, l’écriture inclusive, qui exige que l’on parle des « agriculteu­r·rice·s touché.e.s par la politique des centrales d’achat » ou encore des « artisan·e·s inquiet.ète.s pour l’avenir du RSI » est une offensive clairement idéologiqu­e. Elle vise à mettre la grammaire, dont Vaugelas nous expliquait pourtant qu’« elle régissait même les rois », en conformité avec la vision du monde de quelques ultras du féminisme qui veulent changer la langue faute de mener des combats autrement difficiles et urgents comme la lutte pour l’égalité salariale, par exemple. Il s’agit là, évidemment d’une pulsion totalitair­e, car la première cible de tous les totalitari­smes a toujours été le langage. Qui contrôle et façonne le langage façonne la perception de la réalité donc la réalité elle-même. On renverra, pour la descriptio­n de cette mécanique infernale, à LTI, la langue du IIIE Reich, de Viktor Klemperer, constitué des carnets secrets que tint ce philologue entre 1933 et 1945 : « Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’après quelque temps l’effet toxique se fait sentir. » Ou encore à l’appendice de 1984 d’orwell consacré à la novlangue. L’enthousias­me béat d’un éditeur de manuel scolaire, Hatier, pour ne pas le nommer, à devancer l’appel et à publier un manuel de CE2 enseignant l’écriture inclusive, « Très fier.ère.s d’avoir publié le premier manuel scolaire en écriture inclusive ! », rappelle tout à fait l’ardeur de Syme, le personnage de 1984 chargé du dictionnai­re de 2050 : « Vous est-il jamais arrivé de penser, Winston, qu’en l’année 2050, au plus tard, il n’y aura pas un seul être humain vivant capable de comprendre une conversati­on comme celle que nous tenons maintenant ? » Précisons que Syme finira, malgré tout, par être arrêté et fusillé par la police de la Pensée. Comme quoi, le zèle des converti-e-s ne paie pas toujours. •

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