Un réprouvé à Sciences-po
Des parents immigrés camerounais, une « enfance assez difficile » en Seine-saint-denis, une ascension à la force du poignet qui l’a mené d’un lycée de ZEP à Sciences-po : Matei Ngangue avait tout pour plaire. Si bien qu’en novembre 2016, Les Échos lui consacraient un portrait dithyrambique. Dans l’euphorie, ce jeune homme gouailleur confiait sa drôle d’ambition : devenir haut fonctionnaire et « businessman accompli ». Qu’importe l’impossibilité légale de ce double dessein, Ngangue poussait l’altruisme jusqu’à annoncer un projet de construction de logements pour déshérités dans des conteneurs usagés. L’évangile selon saint Matei s’annonçait donc sous les meilleurs auspices. Un an plus tard, la success story tourne au vinaigre : voici Ngangue sous le coup d’une menace d’exclusion ! Pas particulièrement réputée pour sa discipline de fer, l’école de la rue Saint-guillaume n’a pas apprécié l’irrévérence de son ancien espoir. En cause, une vidéo Youtube dans laquelle cette grande gueule se mêle à la polémique #balancetonporc : « Les femmes se disant abusées par Weinstein [avaient] attendu dix ans pour porter plainte, alors qu’elles auraient pu se découvrir plus tôt victimes », souligne Ngangue. Et l’insolent d’ajouter que le producteur priapique « leur a permis de faire carrière. Elles ont accepté les conditions posées et ont donc mis leur carrière avant leurs valeurs. » Il n’en fallait pas davantage pour qu’une militante de L’UNEF rapporte ces propos de comptoir au pôle « égalité femmes-hommes » de Sciences-po. Sans plus tarder, l’administration a suspendu le trublion – en attendant la décision définitive de la commission disciplinaire, laquelle se prononcera sur tout un ensemble de méfaits. Lui sont notamment reprochés un appel au viol, des propos sexistes ou homophobes, la perturbation d’une conférence et un panégyrique de Pinochet sur Facebook. Pour sa défense, Matei Ngangue estime que tout cela « n’a rien à voir avec Sciences-po ». Lors de la dernière présidentielle outre-atlantique, le célèbre institut avait organisé une nuit américaine pour suivre l’issue du scrutin en direct. On se souvient des larmes et de la stupéfaction des étudiants sidérés par la défaite surprise d’hillary Clinton. Patatras un an après : voilà que son futur Obama tombe le masque… de Trump. •