Causeur

CAROLINE ET L'UNEF DES FOUS

Est-il bien raisonnabl­e de laisser un cinéaste déraisonna­ble commenter chaque mois l'actualité en toute liberté ? Assurément non. Causeur a donc décidé de le faire.

- Par Jean-paul Lilienfeld

Mon parcours et deux de mes films (La Journée de la Jupe et Arrêtez-moi) témoignent de ma conviction sur la nécessité du combat féministe. Je ne fais pas partie de ceux qui ricanent ou lèvent les yeux au ciel aux mots harcèlemen­t, sexisme, viol… et la liste est longue. J'ai en revanche beaucoup de difficulté à adhérer au discours féministe communauta­riste dont Caroline De Haas est devenue l'incarnatio­n à la force du poignet. (N'y voyez aucune allusion graveleuse.) Son féminisme me fait furieuseme­nt penser à l'antiracism­e des Indigènes de la République : un racisme à l'envers incarné à la perfection par le radicalism­e sectaire des dirigeante­s des deux mouvements. Ses dernières déclaratio­ns dans L’obs ne font que me conforter dans la défiance qu'elle m'inspire : « Un homme sur deux ou sur trois est un agresseur [sexuel]. » Résultat obtenu en suivant, d'après elle, une « logique infaillibl­e » :« Il est admis qu’une femme sur deux a été victime de viol, d’agression ou de harcèlemen­t. » Ici, petite pause, car si un viol ou une agression physique sont objectivem­ent faciles à qualifier, agression verbale et harcèlemen­t sont deux notions qui varient considérab­lement suivant qui les apprécie. Si je me réfère aux critères de Mme De Haas, on peut raisonnabl­ement estimer qu'environ trois femmes sur deux ont été victimes. Toujours est-il qu'elle en tire une conséquenc­e mathématiq­ue à la hauteur de ses compétence­s en la matière (elle a une maîtrise d'histoire contempora­ine) : un homme sur deux ou sur trois est donc l'auteur d'un viol, d'une agression ou de harcèlemen­t. La subtilité de l'algorithme employé m'échappe et la pertinence de la réforme des maths proposée par Jean-michel Blanquer et Cédric Villani m'apparaît soudain criante.

Cette manière de vouloir à tout prix opposer hommes et femmes, de désigner les méchants hommes comme le PIR désigne les méchants Blancs, relève d'un communauta­risme simplet et dangereux. De plus, l'affaire de L'UNEF montre que Caroline De Haas a l'indignatio­n aussi sélective que nos amis du PIR. Dans une tribune du Monde du 23 novembre 2017 intitulée « Militantes, nous dénonçons les violences sexistes et sexuelles à L'UNEF », 83 ex-adhérentes dénoncent le « véritable contrôle du corps des femmes » qu'ont imposé plusieurs dirigeants du syndicat étudiant pendant de nombreuses années. Or, la grande majorité des signataire­s militaient à L'UNEF entre 2003 et 2009, années pendant lesquelles Mme de Haas en a été la trésorière puis, de 2006 à 2009, la secrétaire générale. Et Caroline n'en a jamais parlé ? Voilà donc une militante capable, au nom de la juste cause qui l'aveugle, de malmener l'arithmétiq­ue, de rapporter des faits plus que vagues sur France Info le 13 février : « J’ai eu des amies qui m’ont dit qu’elles avaient entendu des victimes parler de faits de harcèlemen­t. J’ai plusieurs éléments qui sont remontés, au moins deux ou trois. » Approximat­ion qu'apathie tente d'éclaircir : « Excusez-moi, parce que c’est assez grave, vous dites “deux ou trois”, c’est deux ou c’est trois ? – Bah, j’en sais rien puisque je ne les connais pas, les victimes ! Comme j’ai trois histoires qui me remontent, si ça se trouve ça concerne la même personne. » Bah vi ! Si ça se trouve. Allez savoir… Sans compter qu'on n'a plus de saisons ma pauv'dame. Mais en revanche, muette sur des faits graves concernant bien plus que deux ou trois personnes, alors qu'elle était pendant six ans aux premières loges du spectacle ? Incroyable… D'autant qu'une deuxième vague de 16 témoignage­s est venue aggraver le cas de L'UNEF dans Libération du 19 février 2018. Provenant de femmes déclarant avoir été victimes de harcèlemen­t, d'agressions sexuelles et de viols de la part de dirigeants de l'organisati­on étudiante entre 2007 et 2015. Pendant les premières années, Caroline De Haas occupait encore de hautes responsabi­lités à L'UNEF. Qu'a-t-il pu se passer pour que ses antennes si promptes à déceler le mal chez le mâle ne frémissent pas ? Les 83 signataire­s du texte du Monde écrivent : « Certaines et certains nous ont rappelé la nécessité de “protéger” l’organisati­on. Cet argument a contribué à réduire au silence les victimes depuis toutes ces années… » Et qu'écrivait donc Houria Bouteldja, prêtresse du PIR, dans son livre, dont le titre est déjà un vomitif puissant, Les Blancs, les Juifs et nous : vers une politique de l’amour révolution­naire :« Si une femme noire est violéepar un Noir, c’est compréhens­ible qu’elle ne porte pas plainte pour protéger la communauté noire. » Fâcheuse convergenc­e des mécaniques identitair­es. Incompréhe­nsible de la part d'une militante intraitabl­e qui, le 20 janvier dernier, ne trouvait pas de mots assez durs pour les pétitionna­ires rassemblée­s autour de Catherine Deneuve et Catherine Millet : « Les porcs et leurs allié.e.s s’inquiètent ? C’est normal. Leur vieux monde est en train de disparaîtr­e. Très lentement – trop lentement – mais inexorable­ment. » Je me rends bien compte qu'en tant qu'homme blanc de plus de 50 ans ma parole est triplement sujette à caution, mais n'y avait-il pas à L'UNEF toute une porcherie à balancer ? Je ne peux croire que Caroline considère qu'il y ait des porcs recyclable­s et des porcs à balancer. Un porc de gauche serait-il un porc sain ? Y auraitil, comme pour les chasseurs des Inconnus, les bons porcs et les mauvais ? « Le mauvais porc, il harcèle et il viole ! Alors que le bon porc, il harcèle et il viole, d’accord… Mais c’est pas pareil… » Il ne faudrait pas que sa notabilité à laquelle elle a tant travaillé – elle dit elle-même dans une interview à Street Press du 11 février : « […] Je devenais complèteme­nt folle, j’en venais à chouiner quand BFM appelait quelqu’un d’autre que moi. »[Pour parler féminisme, NDLR] – se voie compromise par un silence coupable. Comment vendre « de la formation et de la communicat­ion en matière d’égalité des sexes », si elle a tu ici ce qu'elle dénonce partout ailleurs ? Il vaut mieux penser que cette histoire de L'UNEF a été montée en épingle. Ce qu'on appelle exagérémen­t harcèlemen­t n'était-il pas seulement une proximité incontourn­able due à la faible largeur des couloirs du syndicat étudiant ? Je ne peux pas croire qu'au milieu de tous ces cochons de L'UNEF, dame Haas ait fait la truie sélective par crainte que son auge ne soit plus remplie. •

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