ANTIRACISME, LA MISE EN ABÎME
L'inspection générale de l'administration (IGA) a rendu début février 2018 un rapport sur le plan interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme 2015-2017. Peu commenté, il contient quelques passages détonants, à défaut d'être rassurants.
Premier constat, massif, la lutte est très désordonnée. Sur trois ans, le plan devait bénéficier de 100 millions d'euros de crédits. Les inspecteurs les ont cherchés en vain. « Seuls 40 millions d’euros, sur les 100 annoncés en 2015, ont pu être identifiés. » (!) Qui en a bénéficié ? Difficile de le dire précisément, car « l’anti-racisme est un territoire atomisé », notent pudiquement les rapporteurs. Une certitude, néanmoins, des communautaristes se sont glissés dans le lot, comme le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) et le Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN), nommément désignés. Pour eux, « l’appartenance à la communauté est le préalable à toute action ou revendication ». Le mot « islamophobie », en particulier, recouvre un « projet visant à imposer l’identité musulmane à tous ceux et celles qui en relèveraient par leurs origines géographiques ou familiales ». Alors que les associations « universalistes », comme SOS Racisme, le MRAP et « dans une moindre mesure la Licra sont confrontées au vieillissement de leurs membres et à une perte de visibilité sur le terrain », les nouveaux venus ont le vent en poupe. Ils n'ont aucune considération pour leurs aînés. Aux yeux des Indigènes de la République, SOS Racisme en particulier est une association vendue aux politiques, sans troupe et sans idées, gavée de subventions. Le reproche n'est pas infondé. SOS Racisme ne publie plus ses comptes depuis 2009. Cette année-là, l'association avait touché 579 000 euros d'aides publiques ! Le rapport de l'inspection générale de l'administration – tout arrive – en viendrait presque à faire regretter le badge oecuménique « Touche pas mon pote ». « La mission ne peut que souligner à l’attention des pouvoirs publics le caractère déterminant de cette bataille d’identités qui se joue sur de multiples fronts (associations sportives, associations de soutien scolaire, etc.). » L'IGA ne va pas jusqu'à écrire que l'antiracisme subventionné a creusé de nouveaux clivages d'une ampleur sous-estimée, mais elle donne tous les éléments pour l'écrire à sa place. « La présence de prédicateurs salafistes dans un certain nombre de mosquées » n'arrange rien. Ils « développent ce que l’on pourrait appeler un antisémitisme des quartiers », renforcé encore par les théories du complot qui circulent sur le web. Et à l'attention de ceux qui ne voudraient pas comprendre, les rapporteurs enfoncent le clou. « Oui, il y a un nouvel antisémitisme, violent et parfois mortel. » En Seine-saint-denis notamment, « de nombreuses familles juives quittent certaines communes (Saint-denis, Drancy, La Courneuve, etc.) pour se regrouper dans d’autres villes où la pression est moindre ». Idem dans les Yvelines, où les familles juives pratiquantes retirent leurs enfants de l'école publique. Au moment d'en venir aux propositions, on sent l'embarras de L'IGA. Elle en formule plus de 20, vagues et généreuses : associer le mouvement sportif et les entreprises, renforcer la formation des fonctionnaires, créer des lieux de mémoire de l'esclavage, lutter contre les préjugés des scolaires, etc. Le fond du problème, écrivent les inspecteurs, est qu'une « lecture ethniciste » des rapports sociaux gagne chaque année du terrain et sape à la base la lutte contre les discriminations. SOS Racisme intervient dans les collèges pour prévenir le racisme et le sexisme, pendant que son partenaire de toujours, L'UNEF, organise ses réunions fermées aux hommes et aux Blancs. « On peut légitimement choisir de refuser une telle lecture de la société ou bien considérer qu’il n’est pas possible d’en faire abstraction. » Le plan est reconduit pour trois ans sans que la question soit tranchée. •