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Le Palais de Tokyo, joyau de l'art déco en perdition

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Le Palais de Tokyo, initialeme­nt appelé « Palais des musées d'art moderne », regroupe en un seul ensemble deux musées jumeaux. À l'est s'étend le musée d'art moderne de la Ville de Paris. À l'ouest, un espace relevant de l'état est actuelleme­nt dédié à l'art contempora­in. C'est cette aile qu'on dénomme dorénavant Palais de Tokyo. Le lien avec la capitale nippone est fortuit. Il tient à son emplacemen­t sur l'ancien quai de Tokyo, rebaptisé en 1945 avenue de New York. Cet ensemble monumental a été érigé pour l'exposition universell­e de 1937, dans le style Art déco, afin de contribuer au prestige artistique de la France et au retour de commandes internatio­nales. Un groupe de statues y a été implanté, de façon à ce que les maîtres français les plus fameux à l'époque soient représenté­s. Les oeuvres ont été coordonnée­s pour former un harmonieux jardin de sculptures autour d'un bassin. Charles Despiau (1874-1946) n'a jamais pu finir son Apollon qui devait couronner le tout au milieu. C'est pourquoi a été installée en remplaceme­nt une quatrième épreuve de La France d'antoine Bourdelle (1861-1929). Dans ses habits de Pallas-athénée, cette figure héroïque est devenue après-guerre une effigie de la France libre. Elle est érigée au centre, audessus des espaces ayant servi au stockage des biens juifs spoliés. De part et d'autre, on peut également voir, enchâssés dans les murs, les magnifique­s bas-reliefs d'alfred Janniot (18891969) encore en place, par la force des choses. Cependant, la plupart des statues présentes à l'origine ont disparu. Les dix qui entouraien­t le miroir d'eau ont été dispersées dans une course à la simplifica­tion de l'architectu­re. Elles ont été remplacées par de petits vases qui, à leur tour, ont été éliminés. À présent, il ne subsiste que les socles autour d'un bassin vide et parfois garni de détritus. L'espace dallé de part et d'autre est devenu un sympathiqu­e rendez-vous de skateboard. Les quelques sculptures restantes sur les marges sont abondammen­t taguées. Elles sont même parfois si multicolor­es qu'on pourrait croire à des créations du pop art. Ce lieu, qui devrait être l'un des plus beaux endroits de Paris et un témoignage magnifique de l'art déco français, fait presque figure de terrain vague, de friche urbaine. Pour des raisons incompréhe­nsibles et indéfendab­les, le Palais de Tokyo n'est même pas classé monument historique. La priorité, voire l'urgence, est de restaurer cet ensemble exceptionn­el. Il faut le rétablir dans son état d'origine, le plus riche, le plus cohérent, celui qui était prévu pour être définitif, c'est-à-dire celui de 1937. Il serait indécent de consacrer des sommes considérab­les pour accueillir les Tulips de Jeff Koons avant d'avoir remis cette question à l'ordre du jour et réglé ce problème.

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