Printemps arabe en Iran
Rien ne va plus entre Téhéran et les Arabes. Malgré ses grandes proclamations panislamiques, l'iran reste l'héritier de l'empire perse dont les racines indoeuropéennes lui font dédaigner ses voisins… et citoyens arabes. Car sur 80 millions d'iraniens, deux millions appartiennent à la minorité arabe concentrée dans la province du Khouzestan, au sud-ouest du pays. À la frontière avec l'irak, le long du fleuve Chatt al-arab que revendiquait naguère Saddam Hussein, les citoyens arabes de la République islamique d'iran se sentent brimés. Et la moindre étincelle suffit à embraser cette région aussi pauvre que pétrolifère. Au début du printemps, l'émission pour enfants de la chaîne iranienne TV Channel 2 s'est amusée à représenter chaque minorité du pays par une figurine, mais a malencontreusement oublié les Arabes. Depuis, le Khouzestan est secoué par de vastes émeutes identitaires et sociales. D'après la chaîne émiratie al-arabiya, les milliers de manifestants arabes sont notamment des ouvriers agricoles que les sociétés détenues par d'anciens Gardiens de la révolution (pasdaran) ne paient plus depuis un an. Suprême ironie, ce sont justement les pasdarans qui répriment le mouvement à coups de gaz lacrymogène, de bâtons et de balles réelles, arrêtant 400 insurgés promis à des parodies de procès. De telles tensions incitent les plus débrouillards à l'exil. Cela tombe bien : après vingtsept ans d'interruption, un pays européen a récemment rouvert sa liaison aérienne avec l'iran sans nécessité de visa. Il s'agit de la Serbie, dont l'adhésion à L'UE est prévue à l'horizon 2025. En quelques mois, 7 000 Iraniens ont ainsi pu se rendre à Belgrade – officiellement à des fins touristiques, quelques centaines, souvent arabes, prolongeant leur séjour. Objectif : la Terre promise de l'espace Schengen, pourtant rendue inaccessible par le mur que la Hongrie a érigé à la frontière serbe. Au rythme de 2 000 arrivées par mois, le flot de migrants venus d'iran ou d'ailleurs ne tarit pas en Serbie et Belgrade ne cherche pas à en endiguer le flux. Quel meilleur gage d'adhésion aux valeurs de Bruxelles ? •