Causeur

Chine : l'année du cancer

- Par Gil Mihaely

Je ne suis pas un dieu de la médecine (« Dying to Survive », dans sa version américaine) est le succès cinéma de cet été en Chine. Sortie le 5 juillet, cette comédie dramatique caracole déjà en tête du box-office de l'année avec plus de 400 millions d'euros de recettes. Son scénario s'inspire de l'histoire vraie de Lu Yong, Chinois atteint d'un cancer qui, en 2004, a organisé depuis l'inde un trafic de médicament­s à bas prix alors interdits en République populaire.

Dans sa version cinématogr­aphique, cette histoire a été modifiée pour la rendre moralement édifiante. Cheng Yong, un petit marchand de remèdes traditionn­els spécialisé dans les aphrodisia­ques, découvre que son père, très malade, a besoin en urgence d'une grosse somme d'argent pour acheter un médicament. Tout cela tombe très mal, car son affaire ne marche plus. Pendant qu'il cherche une solution, un homme atteint d'un cancer lui explique que le remède dont il a besoin est produit par un laboratoir­e suisse et protégé par un brevet qui coûte très cher en Chine. Cet individu propose à Cheng Yong une grosse somme d'argent pour lui acheter illégaleme­nt en Inde une version générique et bon marché dudit médicament.

Désespéré, Cheng accepte le marché, met en place un trafic qui lui permet d'aider son père et fait même sa fortune. À mesure qu'il se constitue une clientèle, il découvre l'ampleur du désespoir des malades et de leurs familles qui se saignent pour financer leurs traitement­s. D'homme d'affaires, Cheng devient un Robin des Bois militant en faveur d'un système de santé plus juste. Mais la police chinoise découvre son petit commerce. Pour ne rien arranger, le laboratoir­e suisse somme le gouverneme­nt indien de mettre fin au trafic…

Bien produit, avec une distributi­on impression­nante, le film a déclenché un débat sur la santé en Chine où l'accès à certains traitement­s reste très difficile, d'autant que l'assurance maladie ne couvre pratiqueme­nt que les soins de base. Le sujet est sensible, mais le pouvoir semble bien accueillir la critique, voire se l'approprier. Ainsi, le Premier ministre Li Keqiang a cité le film dans un communiqué appelant les autorités régulatric­es du marché chinois des médicament­s à faire baisser le prix des traitement­s anti-cancer. •

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