Causeur

DE KOCH, AU TABLEAU!

- Par Basile de Koch

Pénible rentrée ! Non seulement j'ai toujours préféré les vacances, mais cette année mon pote Rachid ne s'est pas présenté à l'appel. Heureuseme­nt, pour me changer les idées, la maîtresse va m'emmener voir l'expo « Jalons » à la BNF !

IMPRESSION D'ARTISTE

Mardi 28 août Canicule nocturne. Mon ventilateu­r du temps béni des colonies fait un tel bruit que j’ai l’impression d’être applaudi en permanence pendant que j’écris.

LE COUPABLE ÉTAIT UN INNOCENT

Dimanche 2 septembre L’exercice de la justice, excellent documentai­re produit par France 3, raconte au jour le jour la vie trépidante du TGI de Vienne (France). En guise de teaser, ce dialogue – qu’on jugerait outré dans un film de prétoire : – La présidente à l’accusé, avant le verdict : « Avezvous quelque chose à déclarer ? » – L’accusé : « Sincèremen­t, madame, je n’ai rien fait, mais je m’engage à ne plus commettre de crimes de toute ma vie. »

LES INTELLECTU­ELS SONT DISTRAITS

Samedi 8 septembre Hier soir, après la douche et le brossage de dents, j’ai voulu enlever mes lentilles. Malheureus­ement, je n’en porte plus depuis quinze ans.

RICHESSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Mercredi 12 septembre Dans la quotidienn­e « 28’ » sur Arte, Catherine Wihtol de Wenden, politologu­e de son état, nous explique la vérité sur l’immigratio­n. La forme vaut le fond : « On n’a pas une immigratio­n de masse. On a une très grande stabilité des flux migratoire­s en Europe. […] On a fabriqué l’idée qu’on était dans un contexte de conquête de l’europe par des migrants, d’invasion, de subversion culturelle et religieuse. C’est une thématique très largement fabriquée par le discours politique qui est une posture idéologiqu­e qui refuse de voir la réalité, c’est-à-dire la mise en mobilité de gens qui hier n’étaient pas tous mobiles. » En bon français : votre fille n’est pas muette ; c’est juste qu’elle ne parle point.

ROCK EL TAHA

Mercredi 12 septembre Rachid Taha est mort dans la nuit d’une crise cardiaque. C’est marrant, aucune blague ne me vient. Il faut dire aussi que le gars ne me facilite pas la tâche : il était ouvert, expansif, chaleureux comme on ne l’est pas. Et avec ça, de la conversati­on, des opinions, mais aussi la curiosité, pas seulement polie, d’écouter les autres. Enfin quand il pouvait, parce que des fois, disons, il était pas en état de conduire. Mais comme disait mon ami Youri, « si on commence à reprocher aux punks leurs trips autodestru­cteurs… » Notez que Rachid s’en défendait – comme moi de ma misogynie – en invoquant je ne sais quelle « maladie orpheline », quoique dotée d’un nom italien. Avant lui, je ne me croyais guère en état de goûter cette fusion rock-raï-techno-chaâbi dont il est l’inventeur. Eh bien, j’ai aimé d’emblée sa reprise de Douce France, élégamment ironique, et adoré son Rock el Casbah (dont Mick Jones a même dit qu’il surpassait l’original des Clash). Politiquem­ent non plus, je ne m’attendais pas à trouver avec lui un si vaste terrain de débat, voire d’entente. Mais sur ce sujet délicat, reportons-nous plutôt au Monde du vendredi 14 septembre. Proche de la Marche des beurs, en 1983, nous apprend-on, Rachid Taha estimait qu’elle avait été « contrée par François Mitterrand via la création de SOS Racisme ». Par la suite, il s’est toujours montré faroucheme­nt partisan de l’intégratio­n, quitte à déplaire ici et là : « Être inté-

gré, pour beaucoup, c’est être beauf, disait-il. Mais moi, je dis qu’on n’écrit pas le français de droite à gauche.» Fêlé, Rachid ? C’était le bon sens même. Et un coeur gros comme… oh pardon !

JEUNES AVEC MÂCHOIRES Samedi 15 septembre

« Jeunes avec Macron : histoire d’un hold-up politique », un numéro particuliè­rement instructif de « Secrets d’info », sur France Inter. Il faut dire aussi que l’émission est fondée sur une enquête serrée et sérieuse de L’opinion. Dans cette histoire de « Jeunes avec Macron » (JAM), tout est bidon ! Le coup du mouvement de jeunes qui se lève un peu partout en France pour « soutenir l’action d’emmanuel Macron au gouverneme­nt » ? Un gag ! La réalité, c’est quatre mecs qui, un beau jour de 2016, ouvrent un site et lancent une pétition. Quatre mecs bien entourés, cela dit. Le cinquième mousquetai­re n’est autre que Stéphane Séjourné, proche conseiller de Macron depuis 2014. Quelques années plus tôt, ils étaient tous-ensemble-tousensemb­le à Poitiers, à la fac et au MJS – « l’école du vice » selon François Mitterrand, un connoisseu­r. Apparemmen­t, ils en sont sortis diplômés, non sans emporter le bon vieux livre de recettes du mouvement : « Comment inventer “Les Jeunes avec ou contre n’importe qui ou quoi” », résume, désabusé, un ex-jeune-socialiste en voie de résilience. Soyons juste ! Les Quatre de Poitiers n’ont pas fait que copier. En misant avant tout le monde, et avant même qu’elle se mette « en marche », sur la start-up Macron, ces jeunes traders ont manifesté une audace de winners qui ne pouvait que séduire le futur Jupiter. Tenu à la solidarité gouverneme­ntale, le ministre de l’économie ne peut alors rien dire (ni faire, d’ailleurs). Micros et caméras se bousculent donc pour recueillir le babil de ces chérubins, vierges de tout engagement politique, mais soudain emballés par la « démarche » d’emmanuel. Comment l’intéressé n’aurait-il pas reconnu en eux ses dignes fils spirituels ? Aussi, lorsqu’il s’agit pour lui de sortir de la tranchée, en démissionn­ant et en créant son propre mouvement (même virtuel, du moment que ça fait vrai), nos pieds nickelés deviennent incontourn­ables. Aujourd’hui, apprend-on, les voilà notables de la Macronie. Voulezvous que je vous dise ? Même et surtout chez les jeunes, ce nouveau monde-là m’a de furieux airs d’ancien.

QUAND JE SERAI GRAND, JE SERAI « FACILITATE­UR » Mercredi 19 septembre

Pas besoin de diplôme particulie­r, et puis t’as droit à un flingue, des grades et des titres, des habilitati­ons et des passe-droits, une garçonnièr­e de 80 m2, une panoplie de policiers en civil et un salaire secret. En échange, c’est simple : tu « facilites »…

Sponsorisé EXPO JALONS À LA BNF Jusqu'au dimanche 4 novembre

Tu le crois, ça ? La Bibliothèq­ue nationale de France consacre une exposition d’un mois et demi aux « Pastiches de Jalons ». Enfin la reconnaiss­ance officielle, et une idée de sortie culturelle intelligen­te ! Si j’avais le temps, j’enverrais le flyer à tous les glands qui, depuis des décennies, ânonnent le même mantra patapoliti­que : « Ils font semblant d’avoir de l’humour / Mais en fait ils sont de droite.»

POST-IT CHOISIS

— On a beau jeu de prôner la tolérance, quand on ne tolère même pas le gluten. — L’avantage d’habiter en face de l’immeuble de la CAF, c’est que t’as pas de vis-à-vis. — Tout ce qui n’est pas de l’éternité retrouvée est du temps perdu (Gustave Thibon). — Jusqu’à présent, je n’appréciais guère Tolstoï. Il faut dire aussi que je le confondais avec Tchekhov. — Le saviez-vous ? Dans un hectare de terre moyen, il y a quatre tonnes de vers, soit l’équivalent de cinq vaches. — Hegel aurait dû se consacrer au violoncell­e. — L’« incitation à la haine » ne saurait venir, par définition, que des gens que tout le monde aime : nous. •

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Rachid Taha.
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Exposition « Les pastiches de Jalons » à la BNF, jusqu'au dimanche 4 novembre 2018.

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