Prise d'otages à Beyrouth
Capharnaüm, Nadine Labaki, en salles le 3 octobre 2018.
On devrait créer à Cannes, aux César et ailleurs le « Prix de la meilleure prise d’otages émotionnelle ou du meilleur protocole compassionnel ». Serait ainsi récompensé un film parfaitement insupportable, parce que manipulant son spectateur avec des ficelles que des esprits radicaux pourraient qualifier de « dégueulasses », comme on dit chez Godard. Le jury cannois 2018 s’est donc lourdement trompé d’intitulé en remettant au film de la cinéaste libanaise Nadine Labaki le Prix spécial du jury pour son Capharnaüm. On sait que ce dernier mot vient du nom de la ville judéenne, au bord du lac de Tibériade, où Jésus fut assailli par une foule de malades en tout genre. Et les maux plus terribles les uns que les autres, Labaki adore ça : son film n’est pas fondé sur un scénario, mais sur un lamento destiné à faire naître un torrent lacrymal obligé. Le point de départ est à la hauteur de cette entreprise : un enfant de 12 ans attaque ses parents en justice pour lui avoir donné la vie. C’est cette roublardise qui préside à l’ensemble de la destinée narrative du film. Jusqu’à créer un suspense sur un enfant maltraité et ainsi de suite. En mettant les âmes sensibles de son côté d’entrée de jeu, Labaki ne laisse la place ni pour le cinéma (le film n’est qu’une machine à produire des larmes) ni a fortiori pour la complexité. La seule question qui vaille : est-il raisonnable de faire payer des spectateurs pour leur asséner un tel discours moralisateur ? •