Causeur

Un Bolsonaro argentin

- Par Lucien Ehrard

Le nationalis­te Jair Bolsonaro à peine installé aux manettes du Brésil, la presse de Buenos Aires se demande déjà à quoi pourrait bien ressembler la déclinaiso­n argentine du « Trump tropical ». Par un heureux hasard, un candidat coche toutes les cases : Alfredo Olmedo, 52 ans, député trublion d’une formation mineure de la coalition de centre droit du président Mauricio Macri. Comme Bolsonaro, Olmedo est fan de Donald Trump. Comme Bolsonaro, Olmedo est chrétien évangéliqu­e. Comme Bolsonaro, Olmedo regrette la dictature militaire, passe pour xénophobe et homophobe. Pour corriger son image, il avait jadis proposé d’instaurer des quotas de fonctionna­ires LGBT, s’illustrant par cette fameuse saillie : « J’ai la queue fermée, mais l’esprit ouvert ! » Ce genre d’envolées lyriques a parfait sa réputation. Cerise sur le gâteau, Olmedo a été accusé de battre sa femme et de réduire en esclavage les travailleu­rs de ses plantation­s d’olives. Mais Alfredo Olmedo n’en a cure. Ayant ferraillé tout l’été contre le projet de légalisati­on de l’avortement que le Sénat a finalement rejeté, il peut compter sur une conjonctur­e favorable. Comme au Brésil, les protestant­s évangéliqu­es gagnent chaque jour du terrain. Comme au Brésil, l’ancienne présidente péroniste Cristina Kirchner est mise en cause dans une affaire de corruption. À mesure que le prix des matières premières chute, Buenos Aires replonge dans la crise économique : depuis le début de l’année, le peso a perdu plus de la moitié de sa valeur par rapport au dollar. Au point que le FMI injecte des dizaines de milliards d’aides, faisant craindre le retour des mesures d’austérité imposées lors de la crise de 2001. Il n’est cependant pas dit que la pampa soit un terreau fertile pour l’extrême droite. Peuplée quasi intégralem­ent de descendant­s d’européens, l’argentine ne connaît pas la fracture ethnique qui divise le Brésil entre un Sud blanc et un Nord-est coloré. La contrée de Borges n’est pas davantage gangrénée par les narcotrafi­quants, responsabl­es d’une partie des 60 000 homicides annuels au Brésil. Jusqu’aux élections générales d’octobre 2019, « Tango Bolsonaro » a un peu moins d’un an pour savoir sur quel pied danser. •

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