Matton, cinéaste obsessionnel
Face à ce livre-coffret, on se dit que la rencontre entre Matton et le cinéma était inévitable. Ce créateur complet, attiré par toutes les formes artistiques, ne pouvait passer à côté. Le premier contact se fait à l’adolescence, de manière imprévisible, avec la rencontre de l’acteur Gérard Blain. Charles ne sait pas encore qu’ils resteront amis jusqu’à la mort de Blain et encore moins que ce dernier jouera chez Chabrol, Hawks, Wenders et réalisera plusieurs chefs-d’oeuvre… Gérard emmène son copain sur le tournage des Mistons, court métrage de François Truffaut. Matton côtoie pour la première fois des caméras et n’oubliera plus cette atmosphère.
Ses quatre longs métrages et ses trois courts sont ici rassemblés pour la première fois en DVD. De la claustrophobie en noir et blanc de L’italien des roses à l’hommage fascinant qu’est Rembrandt (1999), Matton cinéaste a déployé une large palette qui réussit à rester toujours personnelle. Tout n’est pas réussi ici (on peut ne pas goûter l’esthétique trop léchée de La Lumière des étoiles mortes, par exemple), mais tout est déroutant, ambitieux.
D’autant plus que ce coffret est aussi un livre signé par Sylvie Matton, épouse et collaboratrice du peintre-réalisateur pendant plus de trente ans, scénariste du film Rembrandt. Chaque film fait l’objet d’un chapitre. Contre toute attente, c’est celui consacré à Spermula (ou L’amour est un fleuve en Russie, le titre que voulait imposer le réalisateur aux producteurs), conte féministe des seventies avec la sublime Dayle Haddon et la grande Ginette Leclerc, qui retient d’abord le regard. Les décors pensés par Matton s’inspirent de l’art déco des années 1930 pour se fondre dans ce script de science-fiction délirant. Du grand art rétrofuturiste. On aimerait tout simplement s’installer et vivre dans ces pages. •