Saigneur de la guerre
Le Liberia n’est pas qu’une terre de footballeurs. Dans l’ombre de George Weah, Ballon d’or 1995 devenu président de ce petit État en décembre 2017, se cache un personnage des plus douteux. Moyennant l’immunité judiciaire, le chef de guerre et sénateur Prince Johnson, 66 ans, avait soutenu l’ancien joueur du PSG durant sa campagne présidentielle. Le voici aujourd’hui menacé d’être poursuivi pour crimes de guerre. Les organisations de défense des droits de l’homme rêvent en effet de voir cet ex-prêcheur évangélique enfin payer ses exactions. Qu’a-t-il donc commis de si grave ? Une vidéo tournée le 9 septembre 1990 le montre en train de torturer le président déchu Samuel Kanyon Doe. Sur ces images d’une rare violence, Prince Johnson boit tranquillement une bière dans le crâne criblé de balles de celui qu’il vient de capturer. Le corps dépecé, les oreilles, les doigts et les jambes arrachés, Doe a fini en victime expiatoire de la guerre civile libérienne, quatre ans après avoir aboli la domination raciale des Afroaméricains instituée au xixe siècle. Par une cruelle ironie de l’histoire, les premiers affranchis venus des États-unis avaient réduit en esclavage leurs compatriotes autochtones. Décrétant un véritable racisme d’état, les pionniers afro-américains ont longtemps exclu des postes de commandement les différentes ethnies Krou enracinées autour de la capitale Monrovia. Cent cinquante ans plus tard, l’histoire du Liberia reste si sanglante que Prince Johnson a beau jeu de se comparer au général de Gaulle et à George Washington. Le sexagénaire prétend avoir protégé son pays contre un soldat inculte et sanguinaire. On ne saurait faire meilleur autoportrait. •