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Le changement climatique, c'est maintenant !

De l'avis unanime des scientifiq­ues, l'activité humaine accélère le réchauffem­ent climatique. Même si les températur­es sur le globe ont toujours varié, l'actuelle croissance des gaz à effet de serre est inédite. La vie des génération­s futures s'en trouver

- François-marie Bréon

Le changement climatique est déjà une réalité. La hausse des températur­es pratiqueme­nt partout dans le monde est très probableme­nt liée à l’augmentati­on des concentrat­ions atmosphéri­ques des gaz à effet de serre, dioxyde de carbone en tête, mais aussi méthane et protoxyde d’azote. Contrairem­ent à ce qui se lit ici ou là, la physique de l’effet de serre est parfaiteme­nt comprise et la hausse des températur­es

observée est en bon accord avec cette physique. D’ailleurs, les premières simulation­s climatique­s publiées à la fin des années 1980 par James Hansen anticipaie­nt une hausse des températur­es tout à fait conforme à ce que l’on observe.

Certains objectent que le climat a toujours varié. C’est parfaiteme­nt exact. La Terre a alternativ­ement connu des épisodes plus chauds et plus froids. Ainsi, il y a vingt mille ans, à l’époque des grottes de Lascaux, la températur­e moyenne de la Terre était de cinq degrés plus froide qu’aujourd’hui. Le territoire de l’actuel Canada était alors recouvert de trois kilomètres de glace et les Alpes formaient un immense glacier dont les ramificati­ons coulaient jusqu’à Lyon. Le niveau des mers culminait 140 mètres plus bas qu’aujourd’hui. On voit donc que, pour la Terre, quelques degrés impliquent des modificati­ons considérab­les du climat, des distributi­ons de glace, végétation et espèces animales. Les changement­s « naturels » du climat sont liés aux caractéris­tiques de l’orbite de la Terre, à la tectonique qui modifie les reliefs et la distributi­on des continents, à la compositio­n atmosphéri­que qui a pu être influencée par le développem­ent du vivant, ou à la puissance du soleil. Toutes ces causes entraînent des modificati­ons du climat infiniment plus lentes que le changement climatique actuel dont la cause est anthropiqu­e. Ainsi, on est passé du climat « froid » d’il y a vingt mille ans à un climat semblable à celui d’aujourd’hui en environ dix mille ans. On anticipe des changement­s de même ampleur sur le prochain siècle.

Sur le dernier siècle, la Terre s’est déjà réchauffée d’environ un degré, l’essentiel de ce réchauffem­ent datant des années 1970. Le réchauffem­ent va très certaineme­nt se poursuivre puisque la croissance des gaz à effet de serre dans l’atmosphère continue à un rythme inchangé, voire croissant.

Les climatolog­ues alertent donc sur les changement­s qu’ils anticipent et de leurs conséquenc­es sur nos sociétés. Même si nous nous adaptons à des variations saisonnièr­es de températur­e de plusieurs dizaines de degrés, un changement de températur­e moyenne d’un degré affectera la biodiversi­té. Surtout, les changement­s de températur­e induisent des modificati­ons de la circulatio­n atmosphéri­que et du régime des précipitat­ions. Il est certain que la pluviométr­ie va évoluer dans le cadre du changement climatique. Or, les sociétés humaines, de même que la biodiversi­té, sont adaptées à un certain niveau de précipitat­ion. Toute modificati­on significat­ive, à la hausse comme à la baisse, perturbera cette adaptation.

Certes, alors que des hausses de températur­e sont anticipées pratiqueme­nt partout avec une bonne fiabilité, il reste de fortes incertitud­es sur l’évolution des précipitat­ions dans de nombreuses régions. Les simulation­s donnent en effet des résultats différents. Aussi ma compréhens­ion des mécanismes du climat doitelle progresser sur cet aspect, ce qui nécessite un effort de recherche. De même, l’évolution des événements extrêmes reste incertaine. On sait qu’une atmosphère plus chaude contient plus d’énergie. On peut donc s’attendre à des événements météorolog­iques plus violents bien que leur nature et leur localisati­on exactes restent indétermin­ées. En fin d’année 2018, le GIEC a publié le rapport spécial « 1,5 degré », commandé par les États lors de la conférence de Paris, fin 2015. L’objet du rapport était de dresser un état des lieux scientifiq­ue des impacts d’un climat à 1,5 ou 2 degrés plus chaud qu’à l’époque préindustr­ielle, et des trajectoir­es possibles pour y arriver. Le rapport montre qu’il y a des différence­s significat­ives entre les deux situations, qu’une augmentati­on de températur­e supérieure à 1,5 degré n’est pas encore certaine du fait des concentrat­ions atmosphéri­ques déjà atteintes. Ce document explique aussi qu’une stabilisat­ion du climat à ce niveau demande à l’ensemble des États des efforts énormes qui doivent être entrepris très rapidement.

L’étude indique par ailleurs que la lutte contre le changement climatique pourra avoir d’importante­s retombées positives, en particulie­r sur la santé et la biodiversi­té. Il est donc encore possible de stabiliser le climat à un niveau auquel il sera possible de s’adapter presque partout dans le monde. Rappelons aussi que, même si on stabilise les températur­es, le niveau des mers va poursuivre sa montée pendant plusieurs siècles et qu’une hausse de plusieurs mètres est quasi certaine. Ainsi, certaines régions côtières sont, à terme, déjà condamnées. Plus généraleme­nt, les « génération­s futures » devront s’adapter au changement climatique provoqué par leurs ancêtres. L’enjeu est donc de limiter ce changement.

Cependant, si limiter le changement est possible, les modificati­ons de société qu’il nécessite seront considérab­les. Il ne suffira pas de mettre les appareils électrique­s en veille et de placer les camions sur des trains. Il faudrait notamment laisser dans le sous-sol une grosse partie des combustibl­es fossiles, pourtant immensémen­t utiles à nos sociétés.

Certes, la recherche sur le climat reste nécessaire afin de mieux anticiper les changement­s climatique­s inéluctabl­es, et ainsi pouvoir mieux s’y adapter. Cependant, le constat scientifiq­ue du changement climatique, de ses causes et de ses effets est largement assez probant pour que des mesures à la hauteur de ces immenses enjeux soient prises. •

François-marie Bréon est directeur adjoint du Laboratoir­e des sciences du climat et de l'environnem­ent de l'institut Pierre-simon-laplace. Il a contribué au cinquième rapport du GIEC.

 ??  ?? Manifestat­ion pour le climat à Stockholm, durant une réunion du Groupe d'experts intergouve­rnemental sur l'évolution du climat (GIEC), 27 septembre 2013.
Manifestat­ion pour le climat à Stockholm, durant une réunion du Groupe d'experts intergouve­rnemental sur l'évolution du climat (GIEC), 27 septembre 2013.

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