Causeur

iconne

- Par Cyril Bennasar

À la station de RER Saint-michel-notre-dame à Paris, en bordure du quai, une pastille collée au sol nous informe que la SNCF creuse sa dette afin que nous ne soyons plus déconnecté­s quand nous attendons le train. On peut lire sur cette pastille de couleur vive : « Ici, Léa a regardé un épisode de sa série préférée. #Sncfconnec­tion. » Il était temps que les quais de gare, ces lieux de départ, ces commenceme­nts d’exils, de voyages, d’évasions, de fuites, de vacances, d’aventures, où le regard embrasse les rails, ces deux lignes parallèles qui filent et disparaiss­ent à l’horizon pour toucher le bout du monde terrestre, qui nous emmènent sous les montagnes et sous la mer, qui traversent l’europe et la Sibérie et nous ramènent chez nous si l’on ne descend jamais du train, il était grand temps que ces ambassades du rêve soient, enfin, elles aussi reliées à nos séries préférées, à ces rêveries écrites, mises en scène et réalisées par d’autres dans un style apte à plaire à tout le monde avec le goût le plus sûr, celui du plus petit dénominate­ur commun. Je vais toujours voir la pastille quand j’y suis, dans l’espoir plus que dans la crainte d’y trouver un jour, juste à côté, une plaque mortuaire qui rendrait hommage à la mémoire de la demoiselle en ces termes : « Hypnotisée par sa série préférée, Léa n’a ni vu ni entendu l’entrée en gare du ROMI de 10 h 37 qui l’a fauchée à l’aube de ses 23 ans, laissant sur la voie et sur une cinquantai­ne de mètres, un immangeabl­e pâté de bécasse. » •

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