Causeur

CRIF : LA SOIRÉE DES DUPES

Est-il bien raisonnabl­e de laisser un cinéaste déraisonna­ble commenter chaque mois l'actualité en toute liberté ? Assurément non. Causeur a donc décidé de le faire.

- Par Jean-paul Lilienfeld

Contre l’antisémiti­sme galopant, notre président a trouvé une solution d’avenir : « Ce que nous aurons à faire, c’est faire République, c’est-à-dire être ensemble… Faire république, c’est éduquer, former… »

Mais comment n’y a-t-on pas pensé plus tôt ?! Jusqu’à présent, les gouverneme­nts ne faisaient pas République ! On le sait, les révolution­naires ont fait Bastille, puis on est passé à Nation, peut-être quelques bonnes volontés ont-elles tenté le changement à Denfert-rochereau, mais République, jamais ! Et croyez-moi, cela va tout changer ! Vous pensiez printemps mes amis ? C’est tellement 2017… Pensez République maintenant.

« Je ne pense pas que pénaliser l’antisionis­me soit une solution, a-t-il déclaré. Mais je confirme que ceux qui, aujourd’hui dans le discours, veulent la disparitio­n d’israël sont ceux qui veulent s’attaquer aux juifs. Je pense néanmoins que lorsqu’on rentre dans le détail, la condamnati­on pénale de l’antisionis­me pose d’autres problèmes. »

Certes, laisser croire qu’il s’agirait d’empêcher la critique de la politique d’un pays serait à la fois catastroph­ique et injustifia­ble. En 2019, l’antisionis­me signifie-t-il qu’on est favorable à la disparitio­n d’israël ?

Pas du tout ! s’indignera le choeur des vierges. « On doit pouvoir critiquer la politique de Benjamin Netanyahou comme d’ailleurs on pouvait critiquer la politique de théocratie islamiste sans passer pour un antimusulm­an ou sans passer pour un antisémite », affirme par exemple Éric Coquerel de LFI. Qui a parfaiteme­nt raison. D’ailleurs les Israéliens partagent complèteme­nt son avis puisque seuls 24 % d’entre eux votaient pour Benjamin Netanyahu en 2015, alors que 19 % donnaient leurs voix au centre gauche. La suite est affaire d’alliances de circonstan­ce afin d’obtenir une majorité parlementa­ire. On pourrait donc dire que presque 50 % des Israéliens critiquent la politique de Benjamin Netanyahou. Sans pour autant se déclarer antisionis­tes.

Ils sont anti-netanyahou.

La critique de Donald Trump, si prisée par qui pense bien, ne donne pas lieu à un terme

spécifique­ment flou qui peut aller jusqu’à désigner le démantèlem­ent des États-unis. Pourquoi faudrait-il accepter ce terme d’antisionis­me qui, suivant ceux qui l’emploient, veut dire tout et surtout le pire ?

Vous voulez critiquer la politique de Netanyahou ? Libre à vous bien sûr. Critiquez-la jusqu’à plus soif, mais comment pouvez-vous employer la même terminolog­ie que ceux qui veulent la disparitio­n d’israël ? Et ce, non seulement sans honte, mais en revendiqua­nt ce terme ? C’est, je crois, le seul exemple d’une associatio­n assumée entre les humanistes à géométrie variable et les racistes immuables.

Quel mot employez-vous pour critiquer Orban ? Vous déclarez-vous antimagyar­iste ? Accepterie­z-vous de vous associer à ceux qui voudraient la disparitio­n de la Hongrie ? Vous ne pouvez ignorer qu’« antisionis­te » est devenu un passe pour l’antisémiti­sme sans le nommer, un code qui permet d’échapper à la loi. L’antisionis­te se prétend anti-netanyahou comme la quenelle se prétend antisystèm­e, système régi d’après M’bala par le complot « sioniste » mondial.

J’entends déjà vos cris d’orfraie si je vous saluais bras tendu à la hauteur de l’épaule, paume vers le sol, en prétendant que je ne suis pas du tout pronazi, mais qu’il s’agit d’un hommage aux légionnair­es romains, pour qui le latiniste que je suis éprouve tendresse et intérêt. Et pourtant vous vous déclarez antisionis­te sans vergogne.

« Nous convenons de la nécessité d’un État pour le peuple juif », assureront les plus « ouverts » des antisionis­tes, « nous sommes seulement opposés aux frontières actuelles qui traduisent les velléités expansionn­istes de l’état d’israël. » Vraiment ? Pourtant, je ne vous ai jamais vus, grands humanistes monomaniaq­ues, protester contre l’expansionn­isme de la Chine, par exemple, qui a militarisé des îlots appartenan­t aux archipels Spratleys et Paracels, alors que ces derniers sont revendiqué­s par d’autres pays de la région, comme le Vietnam, les Philippine­s, Brunei, Taïwan ou encore la Malaisie. Et contrairem­ent à Israël, la Chine n’a même pas le prétexte d’avoir répondu à une attaque et de vouloir assurer sa sécurité pour justifier cette invasion.

Jamais un mot non plus contre l’expansionn­isme assumé de l’armée émiratie qui en Érythrée a construit un énorme complexe militaire sur la mer Rouge, comprenant une base aérienne et une gigantesqu­e base navale dans la région d’assab. Ni contre les bases construite­s par la Turquie en Syrie et en Irak. Non, la seule indignatio­n qui vaille est antiisraél­ienne.

L’antisionis­te par pur humanisme va vous jeter en pâture le « massacre » des Palestinie­ns (environ 100 en 2018, dont au moins 50 étaient membres du Hamas d’après les déclaratio­ns d’un responsabl­e du Hamas sur sa chaîne télé), mais ne gâchera pas une larme sur les deux conflits les plus meurtriers de la même année : l’afghanista­n avec 25 000 morts et le Yémen, 20 000 morts.

Alors oui, à la lumière de cette obsession pathologiq­ue et unidirecti­onnelle, l’antisionis­me, quelles que soient ses nuances de cris, est l’aubaine démocratiq­ue de l’antisémiti­sme. Car critiquer la politique d’un gouverneme­nt ne réclame pas d’user d’un terme qui signifie éradiquer le pays gouverné. Je suis anti-erdogan, mais il ne me viendrait pas à l’idée de me déclarer anti-ottoman. Ces multiples groupes, mouvements antisionis­tes, sont le socle avouable de l’antisémiti­sme. Qui finit par détruire à Tolbiac le local des étudiants juifs sous prétexte qu’ils soutiennen­t le droit d’israël à exister. Et si soutenir ce droit à l’existence, c’est être coupable, alors c’est bien que l’existence d’israël est le problème.

Notre président l’a bien compris, qui déclarait au dîner du CRIF : « La France doit tracer de nouvelles lignes rouges […]. J’ai demandé au ministre de l’intérieur d’engager des procédures visant à dissoudre des associatio­ns ou groupement­s qui par leur comporteme­nt nourrissen­t la haine, promeuvent la discrimina­tion ou appellent à l’action violente. […] Il est venu le temps des actes », a-t-il ajouté.

Et le premier a été fort et emblématiq­ue : dissolutio­n de groupes extrémiste­s tels que le Bastion social. Là, je crois que les juifs peuvent dormir tranquille­s. Fini les Bertrand et Maurice Kouachi ! Exit les Patrick Coulibaly et Gilbert Merah. Terminé les Sylvain Ahmed Glam et autres Yvon Fofana. Le Bastion social ne sera plus. •

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