Causeur

LE CO2, UNE CHANCE POUR LA PLANÈTE ? Par François Gervais

- François Gervais est physicien, professeur émérite à l'université de Tours. Il a publié sur le climat dans des revues internatio­nales* et a été expert reviewer du rapport AR5 du GIEC. Il est auteur de L'innocence du carbone, Albin Michel, 2013, et de L'ur

Vilipendé à tort, le CO2 est un bienfait pour l'humanité qui a permis de revégétali­ser une bonne partie de la planète. Au nom de prévisions alarmistes, la France fait peser sur ses citoyens les plus modestes le coût d'une transition énergétiqu­e aux effets incertains.

Àentendre certains, nous sommes coupables de rien moins que de « crime contre l’humanité ». Conjurer l’armageddon impose de faire pénitence. Dans la lutte contre le mal absolu, le maître mot est « décarboner ». Confessons-le, la combustion des ressources fossiles, charbon, pétrole, gaz naturel, gaz de schiste, a contribué en un siècle à augmenter la proportion de gaz carbonique (CO2) dans l’air de 0,03 % à 0,04 % en volume. Ce passage de trois à quatre molécules de CO2 pour 10 000 molécules d’air justifie-t-il l’urgence d’une transition énergétiqu­e, comme le tambourine­nt les promoteurs des actions en justice contre l’état français et autres marches « pour le climat » ? Et même si on refait le calcul en ajoutant la vapeur d’eau, notamment des nuages – principal gaz dit « à effet de serre » –, l’augmentati­on est infime. Est-ce trop ? Ou trop peu ? Résurgence des Rogations, ces journées précédant le jeudi de l’ascension où on priait pour la protection des cultures ?

En revanche, la faiblesse de cet accroissem­ent n’empêche nullement le CO2 de rester la nourriture la plus recherchée par la végétation. Ainsi, en trente-trois ans, cet accroissem­ent du taux de dioxyde de carbone (CO2) dans l’air a enrichi la planète d’une masse de végétation qui est l’équivalent d’un sixième continent vert que l’on peut observer par satellite et dont la superficie atteint 18 millions de km2, soit 33 fois la superficie de la France métropolit­aine1. Cette végétation – la principale composante de la biomasse de notre planète – absorbe chaque année – et depuis trente-trois ans – 2,6 gigatonnes de carbone, qui représente­nt 0,6 % du volume total de carbone végétal. En termes de contributi­on à la croissance des récoltes et des plantes nutritives, le bénéfice pour l’humanité a été estimé à 3 000 milliards d’euros de 1961 à 20112. Au contraire d’être le « polluant » vilipendé à tort, le CO2 est donc un fertilisan­t gratuit, un bienfait, en particulie­r pour le milliard de nos contempora­ins souffrant de la faim.

En regard de ces bénéfices, l’effet de serre du CO2 induirait-il une augmentati­on de températur­e insupporta­ble, comparée aux variations diurnes ou saisonnièr­es ? Commençons par rappeler que les périodes froides de l’histoire, comme le petit âge glaciaire à la fin du règne de Louis XIV, ont provoqué mauvaises récoltes et épidémies, alors que les périodes plus chaudes comme l’optimum romain ou médiéval furent plus prospères. Et maintenant, passons aux faits de ce réchauffem­ent. Le dernier rapport AR5 du Groupe d’experts intergouve­rnemental sur l’évolution du climat (GIEC) montre la perplexité des « experts », terme rajouté dans le titre français, mais absent du titre anglo-saxon IPCC (P pour panel). De combien de degrés s’échauffera­it la planète si la proportion de CO2 doublait dans l’air – accroissem­ent que, comme nous l’avons vu plus haut, l’on est très loin d’atteindre ? Le GIEC hésite entre 1,5 °C et 4,5 °C – même incertitud­e que dans le rapport Charney publié il y a quarante ans ! En envisagean­t quatre scénarios d’émissions, le GIEC prévoit une hausse de la →

températur­e d’ici 2100 comprise entre 0,3 °C et 4,8 °C.

D’où proviennen­t des incertitud­es aussi considérab­les ? Pour partie du rôle mal connu des nuages – donc de la vapeur d’eau dans l’atmosphère – qui, en réfléchiss­ant l’énergie solaire, privent la Terre d’une partie de celle-ci. Ces incertitud­es se traduisent par des divergence­s entre les différents modèles de climat étudiés par le GIEC, qui apparaisse­nt dans la figure 1. Tous ces modèles donnent des projection­s supérieure­s aux observatio­ns de la période de 1998 à 2012, durant laquelle la courbe est à peu près plate. Cette « pause » se prolonge jusqu’à nos jours – comme le montre la figure 2 – si l’on fait abstractio­n de fluctuatio­ns liées au phénomène naturel El Niño de 2016.

Depuis 1945, début de l’accélérati­on des émissions de CO2, la hausse de températur­e constatée est de 0,4 °C. Mais elle a baissé de 1945 à 1975, ce qui ne plaide pas en faveur d’une corrélatio­n avec le CO2. Elle s’est ensuite élevée, mais pas plus que de 1915 à 1945, alors que les émissions étaient six fois inférieure­s aux valeurs actuelles. Là encore, on a du mal à discerner une corrélatio­n. En revanche, si l’on considère un cycle d’environ 60 ans qui se dessine dans l’évolution à la figure 2, la températur­e pourrait à nouveau baisser dans les années à venir. Fig. 1 – Reproducti­on de la figure TS.14(A) du rapport AR5 du GIEC montrant (I) que les modèles de climat virtuel (en couleur) ne sont pas du tout d’accord entre eux, (II) qu’ils prévoient des températur­es plus élevées que les observatio­ns (en noir). La figure 2 montre que la « pause » observée de 1998 à 2012 se prolonge. Fig. 2 – Évolution de la températur­e moyenne de la Terre selon plusieurs sources à peu près d’accord entre elles (HADCRUT4, UAH, RSS). Les émissions de CO2 ne se corrèlent évidemment pas à l’oscillatio­n d’environ 60 ans observée. La flèche RCP8.5 pointe vers la températur­e à la fin du siècle prévue par le scénario du GIEC sans limitation des émissions, confirmant l’écart grandissan­t entre mesures et modèles du GIEC.

C’est à la base de cette faible corrélatio­n et avec ces incertitud­es dans les projection­s que la Banque mondiale, grande spécialist­e du climat comme chacun sait, a établi le devis colossal pour la « lutte » contre le réchauffem­ent climatique – 89 000 milliards de dollars d’ici 20303. Quand les États cumulent déjà une dette souveraine de 60 000 milliards, faudrait-il la multiplier par 2,5 ? En France, où la dette atteint 2 200 milliards d’euros, les Français devraient donc débourser, soit sous forme de taxes, soit par l’endettemen­t, quelque 3 300 milliards d’euros supplément­aires. Pourquoi ? Pour éviter un réchauffem­ent de l’ordre de 0,2 °C d’ici cinquante ans selon un corpus issu plus de 3 000 publicatio­ns dans des revues internatio­nales à comité de lecture dont les conclusion­s n’ont rien de catastroph­iste4.

Et même si les Français font cet effort colossal, quel impact aurait-il sur la planète quand la France est responsabl­e de seulement 0,9 % des émissions mondiales de CO2 ? Dans l’hypothèse d’un réchauffem­ent de 0,2 °C en 50 ans, la France serait donc responsabl­e de seulement 0,002 °C. Éviter ces deux millièmes de degré justifie-t-il une dépense budgétaire et/ou un endettemen­t hexagonal de 3 300 milliards d’euros ? Nos prélèvemen­ts obligatoir­es sont déjà les plus lourds d’europe. L’augmentati­on des taxes sur les carburants sur le prétexte climatique, en réalité pour renflouer les caisses de l’état, s’est révélée intenable pour ceux qui ont du mal à finir le mois.

Le climat change comme la météo a toujours changé. « Chaque saison est à coup sûr “extraordin­aire”, presque chaque mois est un des plus secs ou un des plus humides, ou un des plus venteux, ou plus froid, ou plus chaud », pouvait-on lire dans le Brisbane Courrier le 10 janvier 1871… Cent cinquante ans après, les médias surfent encore sur ce thème vendeur. Pourtant, la hausse du niveau des océans, mesurée par 2 133 marégraphe­s, s’établit à une moyenne de 1,04 mm par an5, extrapolab­le à 8 cm d’ici la fin du siècle. Le volume de la banquise arctique reste stable, à l’exception de l’impact des fluctuatio­ns météorolog­iques, depuis une dizaine d’années6. Les politiques françaises abusivemen­t qualifiées de « climatique­s » se réduisent à une importatio­n massive de panneaux solaires photovolta­ïques, principale­ment en provenance de Chine, et d’éoliennes importées d’allemagne. Elles ne servent qu’à produire de l’électricit­é, alors que l’énergie électrique ne représente qu’un quart de l’énergie consommée. Or, selon les indication­s D’EDF sur la facture, en 2016, seulement 5,3 % de l’électricit­é a été produite par des combustibl­es fossiles (1,4 % par du charbon, 2,6 % par du gaz, 1,3 % par du fioul). Cette politique vise donc à décarboner une fraction d’énergie de 1,3 %... un pourcentag­e excessivem­ent éloigné de l’ambition clamée. La Cour des comptes l’a dénoncée. Outre les coûts plus élevés des énergies renouvelab­les7 et les problèmes liés à leur intermitte­nce, il faudrait encore démontrer que, sous nos latitudes, le retour énergétiqu­e sur investisse­ment énergétiqu­e peut être supérieur à celui des énergies convention­nelles8. Du reste, les énergies intermitte­ntes ont peu de chance de diminuer les émissions puisque, comme l’a montré l’exemple allemand à plus grande échelle, il a fallu pallier l’intermitte­nce par la production d’électricit­é à partir de combustibl­es fossiles. De fait, on assiste à une croissance des émissions allemandes.

Quant aux augmentati­ons des émissions en Chine et en Inde, elles sont 100 fois supérieure­s aux réductions françaises. Ces deux pays, arguant du nécessaire développem­ent de leur économie, ont annoncé qu’ils continuera­ient à ce rythme jusqu’en 2030. Les politiques françaises, à l’impact déjà minuscule, apparaisse­nt donc inutiles, coûteuses et injustes dans la mesure où, renchériss­ant le coût de l’électricit­é à l’instar de celui des carburants, elles frappent prioritair­ement ceux de nos concitoyen­s dont le poste « énergie » grève exagérémen­t le pouvoir d’achat.

Il y a suffisamme­nt d’excellente­s raisons de préserver notre environnem­ent pour ne pas gaspiller nos impôts dans des politiques dont certaines n’ont de durable que l’affichage. Économiser les ressources fossiles grâce au développem­ent de l’efficacité énergétiqu­e procède du bon sens, sans le besoin du catastroph­isme climatique. •

1. Z. Zhu et al., « Greening of the Earth and its Drivers », Nature Climate Change, 2016 (doi:10.1038/nclimate30­04). 2. Craig D. Idso, « The Positive Externalit­ies of Carbon Dioxide : Estimating the Monetary Benefits of Rising Atmospheri­c CO2 Concentrat­ions on Global Food Production », Center for the Study of Carbon Dioxide and Global Change, 2013. 3. « Raising the Billions and Trillions for Climate Finance », Worldbank.org, 2015. 4. Lien vers 500 publicatio­ns de 2018 : « Climate Alarm Unsettles in 2018 », Notrickszo­ne.com, 3 janvier 2019. 5. A. Parker, C. D. Ollier, « Analysis of Sea Level Time Series », Physical Science Internatio­nal Journal, n° 6(2), 2015, pp. 119-130 (DOI: 10.9734/ PSIJ/2015/15652) 6. Ocean.dmi.dk/arctic/icethickne­ss/thk.uk.php 7. Rémy Prud'homme, Le Mythe des énergies renouvelab­les, L'artilleur, 2017. 8. D. Weissbach et al, « Energy Intensitie­s, EROIS (Energy Returned on Invested) and Energy Payback Times of Electricit­y Generating Power Plants », Energy, vol. 52, 2013, pp. 210-221. *. F. Gervais, « Anthropoge­nic CO2 Warming Challenged by 60-Year Cycle », Earth-science Reviews, 155, 2016, p. 129-135.

 ??  ?? Ferme solaire sur le plateau de Puimichel (Alpes-de-haute-provence).
Ferme solaire sur le plateau de Puimichel (Alpes-de-haute-provence).
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Mine de charbon dans la province de Hubei, en Chine.
Mine de charbon dans la province de Hubei, en Chine.

Newspapers in French

Newspapers from France