L'affaire Dreyfus, c'est rigolo !
François Truffaut disait qu’un jour – le temps et l’oubli faisant leur oeuvre – les critiques de cinéma ignoreraient les films de Murnau. Il arrivera peut-être un jour, aussi, où les étudiants de Sciences-po auront oublié l’affaire Dreyfus. Ce temps n’est pas encore advenu, bien que la récente organisation saugrenue d’un « escape game » sur le sort du célèbre capitaine dans les murs du musée de Bretagne laisse songeur. Quoi de plus rigolo qu’un « escape game », ce jeu de rôle grandeur nature, dans lequel il faut parfois s’évader d’une pièce en résolvant des énigmes, parfois enquêter sur un thème ? L’initiative vient d’étudiants en quatrième année de Science-po Rennes. « J’ai déjà participé à un escape game où il fallait tenter de sauver le président Kennedy ou de retrouver une statuette volée par des Yakuzas japonais. Parfois, il faut réussir à sortir de la chambre d’un vampire », explique l’une des organisatrices à nos confrères de Ouest-france. « Il faut sauver le soldat Dreyfus ! » annonce le site web de l’opération. Ce souci de proposer des lectures décalées et ludiques de l’histoire est l’une des maladies chroniques de l’époque. Comme s’il fallait opposer à un passé qui nous effraie une réponse régressive et infantilisante. Les « gamers » devront ici glaner des indices dans les recoins du musée de Bretagne, se faisant aider au besoin de comédiens (« habillés en costumes d’époque », nous précise-t-on) qui incarnent les différentes figures de l’affaire, afin d’aider le capitaine à sauver sa peau. Ouf, les intermittents du spectacle n’ont pas été oubliés ! On regrette que l’opération n’ait pas fait appel à des mimes ou des jongleurs. « Dix joueurs s’entraident pour trouver la solution de l’énigme ! » nous prévient le site. La solution, c’est l’antisémitisme ? Oh, comme c’est amusant ! On espère que cette opération fera des petits… Et pourquoi pas un « escape game » sur les circonstances de la mort de Félix Faure ? •