Causeur

L'écriture inclusive, c'est du chinois ! Par Emmanuel Dubois de Prisque

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À Pékin, on affirme volontiers que les Chinois ont tout inventé, les Occidentau­x n’étant que des imitateurs et des spoliateur­s de la civilisati­on chinoise. Il ne fait en effet guère de doute que les quatre « grandes inventions » célébrées par le régime, la boussole, le papier, l’imprimerie et la poudre à canon, trouvent leur origine en Chine. Il est aussi une invention postmodern­e que nous devons incontesta­blement à la Chine : l’écriture inclusive. Les lecteurs du sinologue Léon Vandermeer­sch le savent : l’écriture préférée des néoféminis­tes fâchés avec la grammaire procède implicitem­ent de la même doctrine que celle de Confucius qui estimait que la première tâche du prince devait être de « rectifier les noms ». C’est d’ailleurs ce qu’a fait le Parti communiste lorsqu’il est arrivé au pouvoir il y a soixante-dix ans, en modifiant les caractères qui désignaien­t certaines minorités ethniques en Chine afin d’effacer leur nature offensante. Fut notamment ôté le radical du chien au caractère signifiant le peuple Yao. À voir la façon dont le Parti traite aujourd’hui certaines minorités (en particulie­r les musulmans ouïghours), on peut douter des résultats de cette politique. Plus fondamenta­lement, l’idée selon laquelle la langue peut transforme­r le réel est ancrée dans la civilisati­on chinoise, mais aussi dans le léninisme du Parti. Selon le catéchisme maoïste, il n’existe en effet pas de vérité en soi, mais seulement des discours concurrent­s, chacun susceptibl­e de modeler le réel à sa guise s’il parvient à s’imposer. La postvérité est donc une très vieille idée orientale… Malgré cet ascendant plurisécul­aire, l’empire du Milieu passe régulièrem­ent sous les radars des médias occidentau­x. Aucun chevalier du Bien n’a ainsi remarqué que le « manifeste » de l’auteur du massacre antimusulm­an de Christchur­ch (Nouvelle-zélande) vantait la « nation ayant les valeurs politiques et sociales les plus proches des siennes ». Or, celle-ci n’est ni l’amérique de Donald Trump ni la Hongrie de Viktor Orban, mais la République populaire de Chine. La plupart des journalist­es se sont contentés de commenter le titre de ce texte indigeste, « Le grand remplaceme­nt : vers une nouvelle société », pour incriminer Renaud Camus. À croire que ce dernier exerce un pouvoir de nuisance infiniment supérieur à celui de la future première puissance mondiale. •

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