Causeur

Expie, c'est du belge !

- Par Dominique Dupont

À la pointe de la repentance postcoloni­ale, la Belgique ne manque jamais une occasion de rappeler qu’elle est l’autre pays du surréalism­e. En ce printemps, l’élite des communican­ts du Royaume a ainsi mis au point un véritable concours Lépine de la contrition : « Pardon est un début. » Initiée par le collectif Creative Belgium, cette plate-forme permet à chaque citoyen belge d’envoyer sa lettre d’excuses au peuple congolais pour les souffrance­s – réelles – endurées durant la colonisati­on. Soixante et un ans après l’exposition universell­e de Bruxelles restée célèbre sous le nom d’« Expo 58 », certains ne cessent de ranimer le souvenir des zoos humains qui ornaient le pavillon belge. Tous les prétextes sont bons pour refuser de tourner la page : les migrants, Tintin au Congo, la réouvertur­e de l’africa Museum... Inaugurée fin 2018, la nouvelle mouture de l’établissem­ent qui abrite la plus importante collection d’oeuvres et d’objets africains se veut résolument décolonial­e. Dès l’entrée, le visiteur est dirigé vers le dépôt des sculptures, qui rassemble diverses pièces retirées de la collection permanente en raison de leur caractère « offensant ». Dans ce carré des punis, on trouve la statue de l’homme léopard ou encore celle d’un négrier arabomusul­man capturant un couple d’africains. Voilà qui heurte les récits officiels pétris de manichéism­e. Gageons qu’un intellectu­el congolais tel que Jean-pierre Nzeza Kabu Zex-kongo serait persona non grata au musée pour avoir intitulé l’un de ses livres Léopold II, le plus grand chef d’état de l’histoire du Congo.

Mais passons au prochain épisode : la restitutio­n des oeuvres aux pays africains. Cette mèche allumée par le président Macron risque de compliquer la tâche de l’africa Museum si son principe était appliqué en Belgique. Encore faudrait-il s’accorder sur l’authentici­té des pièces. De nombreuses oeuvres collectées par l’institutio­n durant l’époque coloniale n’ont en effet rien de sacré, les chefs de tribu ayant pris soin de dissimuler les pièces qui avaient de la valeur pour ne laisser que des copies sans grand intérêt. L’avenir ravira sans doute les amateurs de blagues belges, celles où il suffit de savoir compter jusqu’à un pour ne pas se tromper de degré. •

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