Causeur

Marion Maréchal « L'alliance LR/RN est inévitable »

Propos recueillis par Daoud Boughezala et Élisabeth Lévy

- Propos recueillis par Daoud Boughezala et Élisabeth Lévy

Après la débâcle des Républicai­ns aux européenne­s et la victoire en demiteinte du RN, Marion Maréchal livre un diagnostic implacable. Recomposit­ion de la droite, immigratio­n, fractures françaises, Union européenne : la directrice de l'issep n'élude aucun sujet épineux.

Causeur. Depuis plusieurs années, on nous annonçait une vague populiste, souveraini­ste ou nationalis­te, nous reviendron­s sur ces termes, en Europe. Or, à part en Italie et en Europe de l'est, elle n'a pas eu lieu le 26 mai aux élections européenne­s. Ce courant a-t-il atteint son plafond de verre ? Marion Maréchal. Je ne suis pas sûre que les élections européenne­s soient le meilleur baromètre de l’état de conscience politique d’un pays, car elles souffrent d’un biais sociologiq­ue favorisant le vote des classes supérieure­s, les métropoles et les personnes âgées. Aujourd’hui, les Français de plus de 65 ans forment la tranche électorale la plus importante. D’ailleurs, cette échéance a confirmé la fracture génération­nelle puisque 47 % des plus de 65 ans ont voté pour Macron. Cette fracture peut expliquer la difficulté à voir émerger un pôle plus que l’autre. En effet, une grande partie de la génération née juste après la guerre et qui a bénéficié des Trente Glorieuses et de retraites généraleme­nt confortabl­es est plutôt européiste et de tendance centriste. Elle n’a vécu la guerre que de loin et a baigné dans le mythe de L’UE garante de paix. C’est compliqué de faire bouger cet électorat qui a toujours entendu le FN, puis le RN se faire assimiler au fascisme et au nazisme. Voulez-vous dire que le temps – le renouvelle­ment des génération­s – joue en faveur du RN et des mouvements comparable­s ? Probableme­nt. Ajoutons à cela que les personnes âgées sont souvent plus sensibles aux sirènes du « parti de l’ordre », particuliè­rement bien jouées par Emmanuel Macron qui a voulu enfermer les Français dans un choix scandaleux : soit vous êtes pour les gilets jaunes, soit vous êtes pour les forces de l’ordre. Je reste convaincue que le gilet jaune du rond-point, à la différence du casseur d’extrême gauche, aspire aux mêmes choses que le policier qui fait son travail correcteme­nt. Que disent ces élections de l'état de notre pays ? Elles ont révélé un phénomène très inquiétant : en achevant le clivage droite/gauche et en forçant la recomposit­ion de la vie politique, Macron a initié une nouvelle lutte des classes : entre gagnants et perdants de la mondialisa­tion, classe moyenne/supérieure et classe populaire, métropole et périphérie. Jusqu’à présent, on avait une « société en silo » avec des institutio­ns (nation, famille) à travers lesquelles le peuple cherchait justement à réduire les antagonism­es sociaux. Certes, la gauche alimentait malheureus­ement déjà la lutte des classes, mais la famille, la nation et tous les corps intermédia­ires permettaie­nt de dépasser les tensions entre classes. En affaibliss­ant l’idée de nation, Macron a remis des antagonism­es sociaux partout et nous enferme dans une société de strates irréconcil­iables où chacun vote à court terme en fonction de ses intérêts. Mais le conflit social est inhérent à la démocratie qui n'est pas autre chose que

l'encadremen­t civilisé des désaccords ! Certes. Mais si les questions matérielle­s sont importante­s dans le débat démocratiq­ue, elles peuvent être dépassées. D’autres sujets mobilisent politiquem­ent les population­s, notamment les questions d’identité, de sécurité, de transmissi­on, de destinée commune. La vertu d’institutio­ns telles que la nation est de dépasser les antagonism­es purement matériels et sociaux pour créer un futur commun à partir d’un passé commun. Le communisme et le socialisme sont des matérialis­mes, le centre n’est rien d’autre qu’une technocrat­ie économique, pas étonnant donc que le citoyen finisse par réduire ses choix politiques à la question matérielle. Il est assez amusant d'entendre une ancienne députée FN regretter le clivage droite/ gauche ! Ce clivage était en tout cas plus sain que le clivage social ou génération­nel. Seulement, il était devenu illisible, voire impropre depuis que les partis revendiqué­s à droite n’étaient plus de droite et que l’alternance gouverneme­ntale entre gauche et droite ne se traduisait par aucune différence réelle sur tous les sujets fondamenta­ux. Cela ne signifie pas pour autant que des courants de droite et de gauche ne continuent pas d’irriguer la vie politique, simplement ils ne correspond­ent pas forcément aux frontières partisanes partis. Les électeurs ne partagent pas tous cet avis : même des bastions de droite comme Versailles ou Neuilly ont plébiscité LREM plutôt que le conservate­ur Bellamy ou le RN… C’est à nuancer. 27 % de l’électorat Fillon de 2017 a en effet rallié LREM, une partie moins importante a voté RN et une moitié s’est abstenue, tout comme la moitié de l’électorat RN et la majorité des gilets jaunes. Sur le fond, il y a un angle mort dans l’électorat de droite qui ne se reconnaît ni dans le centrisme LREM ni dans le Rassemblem­ent national. Aujourd’hui, LR arrive au bout d’une ambivalenc­e née de la fusion de la droite gaulliste et du centre dans L’UMP : le RPR avait les électeurs, L’UDF les élus. Cela n’a pas changé structurel­lement avec des élus LR plutôt centro-compatible­s comme Gérard Larcher, qui sont des géants institutio­nnels, mais des nains électoraux, et un électorat plutôt Rn-compatible. Je crois à une scission inéluctabl­e entre la branche centriste qui rejoindra Macron et l’aile droite de LR qui sera inexorable­ment conduite à accepter une coalition gouverneme­ntale avec le RN si elle veut survivre et être cohérente. Cette droite de LR n'est-elle pas irréconcil­iable avec le RN ? Non, car tous les grands clivages qui les distinguai­ent sont morts. L’opposition entre gaullisme et antigaulli­sme relève de la nécrologie politique, tout comme l’opposition entre libre-échange et protection­nisme.

Pendant longtemps, la droite parlementa­ire a défendu le premier religieuse­ment, par opposition au communisme. Le principe du protection­nisme est désormais acquis dans le discours LR et même à LREM. Même la distinctio­n entre droite légitimist­e issue de la contrerévo­lution et droite bonapartis­te, acquise aux préceptes révolution­naires, n’est plus structuran­te comme cela fut le cas au xixe siècle. Au passage, tout le monde met les « valeurs de la République » à toutes les sauces, au point que ce terme a été complèteme­nt vidé de son sens.

Tout le monde, y compris le RN, sous la direction de Marine Le Pen, use abondammen­t de la rhétorique de la République… Quoi qu'il en soit, croyez-vous aujourd'hui possible cette alliance que vous appelez de vos voeux ?

Nos modes de scrutin ne permettent pas à un parti de gagner une élection seul, je le regrette, mais c’est ainsi. J’espère que la débâcle de LR et la situation française accélérero­nt ce qui est une nécessité : l’apparition d’un compromis patriotiqu­e entre différents courants pour éviter que Macron continue à mettre en oeuvre son projet progressis­te.

Mais à supposer que votre point de vue soit majoritair­e chez les électeurs de droite, ce qui n'est pas sûr, même l'aile droite de LR continue à chanter les vertus de l'union de la-droite-et-du-centre.

On y revient, les élus LR sont prisonnier­s de la structure de leur parti. Ils tombent toujours dans le piège du « cordon sanitaire » de François Mitterrand et, bien pire encore, ils cèdent au terrorisme intellectu­el de la gauche. Le jour où la droite arrêtera de s’excuser et de se faire dicter sa conduite par Cohn-bendit et Yann Barthès, peut-être arrivera-t-on à avancer.

Restera aussi à savoir si le RN est vraiment un parti de droite. Quoi qu'il en soit, avant de réunir les droites, encore faut-il un projet susceptibl­e de répondre aux aspiration­s des Français. Ce qui suppose de les connaître. Croyez-vous vraiment qu'ils veulent plus de commun ? Le mouvement des gilets jaunes a plutôt été une révolte individual­iste, centrée sur des revendicat­ions strictemen­t matérielle­s.

Les gilets jaunes ne se sont pas cantonnés à la jacquerie fiscale du début ni à la question du pouvoir d’achat. Très vite, ils ont abordé la question de la démocratie en général avec notamment la cristallis­ation légitime autour du RIC. C’est la réaction des invisibles de la République, disqualifi­és du débat politique depuis longtemps parce qu’on ne comptabili­sait pas leur vote blanc, qu’on marginalis­ait ou criminalis­ait les partis pour lesquels ils votaient. Ils ont exprimé un malaise beaucoup plus structurel, que j’interprète comme une remise en cause de la démocratie libérale au sens philosophi­que du terme. Sans le formuler, ils se sont aussi révoltés contre une forme de dépossessi­on, de confiscati­on du pouvoir politique, qu’elle vienne de l’union européenne ou du gouverneme­nt des juges, avec le pouvoir croissant du Conseil constituti­onnel, de la Cour de cassation et du Conseil d’état.

Depuis Montesquie­u, on admet que le pouvoir doit arrêter le pouvoir. Ces institutio­ns doivent notamment s'assurer que le gouverneme­nt respecte la loi, estce condamnabl­e ? Seriez-vous acquise à la démocratie illibérale de Viktor Orban ?

Ne me faites pas dire n’importe quoi. Évidemment qu’il doit y avoir des contre-pouvoirs, le problème est que ces juridictio­ns se mêlent aussi de censurer politiquem­ent le gouverneme­nt. Par ailleurs, il est compliqué d’opposer la règle de droit à un peuple. Parce qu’il se dit : eh ben changeons le droit ! Pour en revenir aux gilets jaunes, vous ne pouvez les taxer d’égoïsme, car ils sont aussi mus par une grande angoisse pour l’avenir de leurs enfants.

Nous n'avons pas dit « égoïstes », mais « individual­istes ».

D’accord. N’empêche qu’aujourd’hui, en France, l’ascenseur social est pratiqueme­nt immobilisé. Nos élites tiennent de grands discours sur l’école de la République tout en inscrivant leurs gamins dans des écoles privées, où ils sont entre petits Blancs, et où on leur épargne les délires pédagogist­es, pour les préparer à HEC ou Sciences-po…

Le mouvement des gilets jaunes a aussi posé la question brûlante des inégalités entre territoire­s.

Le fond du problème est que l’énarchie des années 2000, obsédée par l’idée de faire bonne figure dans la compétitio­n mondiale, a décidé de concentrer les efforts, les investisse­ments politiques et les stratégies économique­s sur les grandes métropoles françaises, dévitalisa­nt de larges territoire­s. Résultat, dans ces métropoles, les prix explosent et les loyers absorbent pratiqueme­nt 50 % de ce que les gens gagnent ! Et pour les autres, on crée des mesurettes, des zones franches, des zones de revitalisa­tion rurale. Mais ça ne marche pas : quelle entreprise viendrait s’installer dans une ville où il n’y a ni transports, ni boulangeri­e, ni le moindre service ? Plutôt que d’investir dans le Grand Paris, l’état devrait s’occuper des villes intermédia­ires : ne plus être obnubilé par la France des 12 métropoles comme Lyon ou Paris, mais viser la France des 100 ou 150 villes intermédia­ires comme Mâcon, Belfort, Draguignan et toutes ces villes en grande perdition, mais qui ont conservé suffisamme­nt de capital économique, culturel et d’infrastruc­tures pour être attrayante­s. Cela revitalise­rait non seulement les territoire­s périphériq­ues de ces villes moyennes, puisque les gens pourraient vivre à côté de leur lieu de travail, mais ce serait de surcroît un gain de pouvoir d’achat →

conséquent. Ce coup d’arrêt à l’extension de la France du vide devrait intervenir en même temps que l’instaurati­on d’une protection aux frontières de notre industrie et de notre agricultur­e, pourvoyeur­s d’emploi pour ces territoire­s.

Même si la poussée électorale en faveur D'EELV s'est plutôt produite dans les grands centres urbains, cette percée de l'écologie cache-t-elle la nécessité d'une réorientat­ion profonde de notre société ?

La question écologique est incontesta­blement présente dans la conscience des jeunes Français qui en ont été biberonnés à l’école publique, ce qui ne me gêne pas. Mais le discours écologique porté par notre élite politique empêche une adhésion massive de la population : en résumé, soit on sauve les gilets jaunes, soit on sauve la planète ! Des mesures comme les taxes sur l’essence créent l’exaspérati­on, car elles sont décidées par des gens qui prennent le métro à Paris et pénalisent ceux qui utilisent leur voiture pour travailler dans un pays qui compte pour presque rien dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Surtout, le discours climatique a confisqué le discours environnem­ental. Le climat ne devrait pas nous faire oublier l’écologie de proximité, beaucoup plus concrète et charnelle : produits chimiques, perturbate­urs endocrinie­ns, gestion des déchets, pesticides, étalement urbain… Ce sont des sujets qui se gèrent et se traitent bien davantage au niveau national et local alors que nos dirigeants sont déjà dans le postnation­al, expliquant qu’on ne peut traiter les questions qu’aux niveaux européen et internatio­nal.

Puisque vous êtes si négative sur l'union européenne, pourquoi ne pas défendre le Frexit ?

Je n’ai jamais défendu une sortie sèche de l’union européenne. Mais contrairem­ent aux dirigeants de LR, qui appellent à la réforme sans en tirer de conséquenc­es, je dis que L’UE est un système mal pensé, mal conçu, philosophi­quement délétère et inapte à fonctionne­r parce qu’il est basé sur un mensonge : la prétendue existence d’un peuple européen unique. Il est impossible de construire une légitimité et une souveraine­té populaire, condition de la démocratie et de l’efficacité politique, sur la base de peuples aussi hétérogène­s qui ont des intérêts politiques, économique­s, géopolitiq­ues aussi divergents. Sortir de l’utopie européenne, c’est s’armer psychologi­quement pour défendre les intérêts français au sein de celle-ci.

Nous insistons : pourquoi ne pas carrément en sortir ?

La France n’a pas joué toutes ses cartes au sein de l’union européenne. Il n’est presque jamais arrivé qu’un texte soit adopté sans son aval. Même l’euro a d’abord été porté par le gouverneme­nt français alors que nous sommes le pays, avec l’italie, qui en pâtit le plus ! Aujourd’hui, notre voix est largement affaiblie au sein de l’union européenne, car Emmanuel Macron donne des leçons à la terre entière avec 2 000 milliards d’euros de dettes… La première condition de la restaurati­on de la voix de la France dans le concert européen serait d’être le plus exemplaire possible sur le plan économique, précisémen­t parce que ce système politique est basé sur l’économie.

C'est beau comme du Fillon. Ou même comme du Macron.

Ce n’est pas très révolution­naire : quand le général de Gaulle arrive aux affaires à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, il s’attelle en priorité à la remise en état des finances publiques. « Faites-moi de la bonne finance, je vous ferai de la bonne politique. » C’est la condition pour être libre. Si on est libre économique­ment, on est crédible aux yeux des autres sans être tributaire des emprunts qu’on contracte. Le problème est que l’euro fort est un handicap économique important. Toutefois, la sortie de l’euro nous rendrait politiquem­ent vulnérable­s aux attaques des marchés financiers et rendrait les prêteurs méfiants. De plus, la hausse des taux d’intérêt (aujourd’hui anormaleme­nt bas grâce à l’euro) renchérira­it le service de la dette, qui est déjà le premier poste de dépense… L’euro a plombé nos exportatio­ns, mais il a paradoxale­ment permis un incroyable laxisme dans les dépenses publiques qui nous met aujourd’hui dans une situation difficile.

En ce cas, comment sortir du piège européen ?

La seule solution est un rééquilibr­age des rapports de force obtenu par une coalition de gouverneme­nts qui engageraie­nt ensemble un bras de fer face à l’allemagne. Je pense en particulie­r aux pays qui sont les premières victimes des politiques de L’UE et qui ont les moyens de riposter, notamment des contribute­urs nets du budget commun comme la France et l’italie. On pourrait éventuelle­ment créer une convergenc­e avec les pays de Visegrad qui ne peuvent pas porter seuls la contestati­on, parce qu’ils sont faibles démographi­quement et bénéficiai­res nets du budget européen. C’est la seule voie permettant à la fois de défendre les intérêts européens et nationaux en refusant ce no man’s land commercial, ce marché-monde, ce hall de gare migratoire qu’est L’UE, et de transforme­r l’euro en arme politique face à l’hégémonie du dollar.

Revenons en France. Comme le montre Jérôme Fourquet, plusieurs France cohabitent sans se mélanger : les banlieues, la France périphériq­ue, la France catholique, la France des centres-villes… N'est-il pas utopique de croire que la nation peut encore les rassembler ?

Nous sommes confrontés à un défi politique inédit auquel personne n’a de réponse parfaite. Fourquet distingue trois ensembles : la France immigrée communauta­risée, la France des métropoles, la France des gilets jaunes. Il montre que la massificat­ion des élites

change la donne : jusqu’alors, les élites représenta­ient une toute petite partie de la population, donc leur mode de vie, comme le service militaire, les contraigna­it au quotidien au brassage. Aujourd’hui, il existe des territoire­s entiers où, sur dix, vingt, trente, quarante kilomètres, on ne peut fréquenter que des cadres supérieurs comme soi. Cela crée des usages, des cultures, des aspiration­s parallèles qui ne se rejoignent plus. Ce phénomène inédit est très profond, mais je continue de penser que la nation, la culture, l’histoire et une stratégie de puissance dans la compétitio­n mondiale peuvent être encore des réponses à ces fameux antagonism­es sociaux et territoria­ux.

Pour Ernest Renan, le riche legs de souvenirs est la garantie de la « volonté de vivre ensemble ». Dans notre société multicultu­relle où les tensions mémorielle­s postcoloni­ales s'accroissen­t et où les Français partagent de moins en moins le présent et l'avenir, partagent-ils encore un passé ?

Je suis très inquiète, parce que je crois fondamenta­lement à l’assimilati­on, mais la machine à assimiler est enrayée : pour s’assimiler, encore faut-il y être incité et pouvoir s’assimiler à quelqu’un ou à quelque chose. Or, il existe des territoire­s où ne vivent que des personnes d’origine étrangère, qu’elles aient ou non la nationalit­é française. Et quand bien même vous seriez confronté au peuple français historique ou autochtone, encore faudrait-il qu’il vous dise : « J’affirme être quelqu’un et j’ai quelque chose à donner. » Or, la combinaiso­n du nombre – on assimile des individus, pas des peuples entiers –, de l’amnésie historique, de la repentance et du refus de la puissance rend l’assimilati­on impossible. On ne pourra peut-être pas y remédier intégralem­ent, mais on pourrait s’atteler à restaurer cette fierté française et fixer des règles d’adhésion à la société beaucoup plus strictes. La condition préalable est évidemment de stopper au maximum le nombre de nouvelles arrivées puisqu’on a déjà du mal à assimiler ceux qui sont déjà en place.

La démocratie, c'est la démographi­e…

L’évolution démographi­que est la seule chose qui me fait parfois penser que le combat pour la France pourrait être perdu demain. Tant que la population musulmane n’est pas majoritair­e, il reste des marges de manoeuvre. Ceux qui prétendent qu’il n’est absolument pas envisageab­le que la France soit demain un pays majoritair­ement musulman sont des aveugles ou des imbéciles. Toutes les statistiqu­es le démontrent : 18 % des nouveau-nés portent des prénoms arabo-musulmans. Il y a quarante ans, cela n’existait pas. C’est la fameuse phrase d’engels que cite sans cesse Zemmour : « À partir d’un certain nombre, la quantité devient qualité. » Par ailleurs, je constate qu’à quelques rares exceptions près, les pays où l’islam est majoritair­e sont des théocratie­s qui appliquent la charia à des degrés divers. Si cela arrive chez nous, même nos compatriot­es →

musulmans attachés à la laïcité, au système républicai­n, à l’identité chrétienne de la France n’y pourront plus rien, car ils seront aussi combattus.

Pour rétablir les équilibres démographi­ques, seriez-vous favorable à la remigratio­n ?

Je n’ai pas de théorie de la remigratio­n. Il y a d’abord une remigratio­n naturelle pratiquée par la plupart des pays du monde, mais pas par la France : on renvoie les étrangers entrés avec un visa de travail, mais se retrouvant sans emploi tout en bénéfician­t d’aides sociales. Ensuite, il y a les Français d’origine étrangère. Il ne s’agit évidemment pas de leur imposer de partir, il n’est nullement question de distinguer les Français à partir de critères raciaux ou religieux. Mais s’agissant des revendicat­ions politico-religieuse­s ou communauta­ristes dans l’espace public, il faut imposer des règles suffisamme­nt strictes de sorte que les individus mal à l’aise avec nos moeurs aient envie de partir. La République doit aussi être ferme avec les investisse­ments massifs dans des projets cultuels ou culturels de pays comme l’arabie saoudite, le Qatar, l’algérie ou la Turquie. Il y a une offensive culturelle et religieuse étrangère sur la communauté musulmane française qui contribue à l’archipelli­sation de la société. Faut-il rappeler que deux tiers des imams sont étrangers ?!

Voilà un discours généraleme­nt qualifié de populiste. Au-delà de sa charge venimeuse, le clivage populistes versus progressis­tes qu'a défini Macron est-il dénué de pertinence ?

Le mot populisme est utilisé par Macron comme un terme négatif et infamant, comme autrefois l’expression « extrême droite ». Le mot ne m’effraie aucunement, je pense seulement qu’il y a une différence de nature entre le progressis­me et le populisme qui n’est pas un programme politique ou une doctrine, mais plutôt un style, présent aussi bien à gauche qu’à droite. D’ailleurs, ce ne sont pas tant les idées qui réunissent les populistes, que la dénonciati­on de l’oligarchie, l’appui quasi exclusif sur les classes populaires, le chef charismati­que, une conception de la démocratie plus directe que représenta­tive. Quoi de commun sinon entre un Podemos espagnol, un 5 étoiles italien et le Fidesz d’orban ?

Faut-il aller sur ce terrain pour battre Emmanuel Macron ?

Le progressis­me d’emmanuel Macron est une fascinatio­n un peu enfantine pour l’avenir conjugué au mépris du passé et à la conviction bébête que les génération­s à venir sont toujours meilleures que celles qui les ont précédées. J’y opposerais donc plutôt le conservati­sme, bien que ce terme soit lui aussi, plutôt répulsif en France, car caricaturé à souhait. Macron est aussi l’héritier du rationalis­me intégral de la Révolution française, qui considère que l’économie peut idéalement réguler les rapports sociaux, d’où sa difficulté à intégrer la dimension religieuse, spirituell­e ou les « fidélités silencieus­es » comme la nation. Le conservati­sme, c’est l’inverse : une dispositio­n d’esprit qui tend à vouloir humblement conserver et défendre ce dont on a hérité et ce qui nous est cher – nos moeurs, nos traditions, nos savoir-faire, nos paysages, une certaine vision de l’homme, notre biodiversi­té…

François-xavier Bellamy l'incarnait assez bien. Son échec n'est-il pas la preuve que ce conservati­sme est plus que minoritair­e ?

Même si j’ai de la sympathie pour l’homme, je n’ai jamais pensé qu’il ferait un bon score. Bellamy est le bouc émissaire facile de la défaite pour LR. À part dans certains cercles, il était peu connu des Français, qui n’ont peut-être pas identifié sa spécificit­é idéologiqu­e. Il a payé les votes scandaleux du PPE au parlement européen, l’incohérenc­e de sa liste, le vote utile pour Macron, lequel a su réunir les forces progressis­tes alors que les forces conservatr­ices, que je crois au contraire majoritair­es dans le pays, sont disloquées et divisées. Puisque dans tout mal, il y a du bien, Macron a forcé les LR, par leur déconvenue, à se clarifier.

Si le parti choisit de se recentrer comme on le pressent, votre belle constructi­on tombe à l'eau…

C’est ce que feront ceux qui ont déjà tout trahi. Quelle différence aujourd’hui entre Juppé, Pécresse, Raffarin et LREM ? Il est souhaitabl­e que la grande clarificat­ion se fasse.

Avec sa critique de L'ENA et des grands corps de l'état, Macron n'est-il pas un peu populiste ?

Sur cette question précise, il l’est plus que moi, car je ne suis pas pour la suppressio­n pure et simple de L’ENA. Il n’est pas absurde d’avoir une école qui forme les hauts fonctionna­ires, reste à savoir comment on les forme. Le mal de L’ENA vient plutôt du prêt-à-penser et du conformism­e idéologiqu­e, mais aussi du fait que les hauts fonctionna­ires puissent faire de la politique en conservant leur avancement et sans avoir à démissionn­er de leur corps d’état, ou puissent pantoufler dans les grandes industries françaises, alors qu’ils ne sont pas formés à cela, par simple copinage avec le pouvoir. Cependant, le même formatage est malheureus­ement à l’oeuvre dans une grande partie du système universita­ire français et des grandes écoles. Dans les années à venir, à cause de l’entourage de Macron, on n’aura plus l’énarchie mais l’« Hecesserie » : le petit vernis culturel que conservaie­nt les diplômés de Sciences-po et de L’ENA disparaîtr­a avec le règne des marketeurs, des financiers. Du reste, les écoles de commerce ne sont pas dénuées d’idéologie. C’est pour apporter une bouffée d’oxygène dans cet étouffemen­t intellectu­el général que j’ai créé l’issep. Nous essayons de pallier les carences pédagogiqu­es, notamment en culture générale. De Gaulle disait que la véritable école du commandeme­nt est la culture générale, qui permet de discerner l’essentiel de l’accessoire. Aujourd’hui, on a une conception très utilitaris­te de l’éducation, qui forme des experts sans vision transversa­le. Les compétence­s sont indispensa­bles, mais la culture générale n’est pas seulement un moyen de briller en société. Cela permet de porter une vision globale, et sur le long terme, essentiell­e pour des gens qui ont la prétention de gouverner un pays.

À moins de 30 ans, vous avez déjà eu plusieurs vies, dont celle de députée. Envisagez-vous de ne jamais revenir en politique ?

Non. Je n’ai pas envie à mon âge de prendre des décisions définitive­s, dans un sens ou dans l’autre. Si je me passe assez bien de la politique, je n’arrive pas à être indifféren­te à l’état de la France. J’essaie de servir mon pays très humblement, à mon petit niveau avec l’issep. Pour le moment, je m’épanouis dans ce projet entreprene­urial qui j’espère me survivra et me dépassera.

Reste que, si on vous écoute, on conclut qu'il faut un Macron pour réaliser l'alliance des droites que vous appelez de vos voeux. Vous sentez-vous taillée pour le job ? Après la déconfitur­e électorale et le départ de Wauquiez, il y a un électorat qui cherche de nouveaux visages. Certains murmurent que ce pourrait être le vôtre.

Comme je l’ai dit récemment, il s’agit là d’une course de fond, il est absurde de savoir qui peut passer la ligne d’arrivée alors que l’équipe de départ n’est même pas constituée. Par ailleurs, une personne qui se sentirait spontanéme­nt taillée pour un tel job ou qui en rêverait la nuit est, selon moi, soit folle, soit terribleme­nt vaniteuse. •

 ??  ??
 ??  ?? Ancienne députée FN, Marion Maréchal est directrice de l'issep.
Ancienne députée FN, Marion Maréchal est directrice de l'issep.
 ??  ?? Hervé Morin, François-xavier Bellamy et Laurent Wauquiez en meeting à Lyon, 21 mai 2019.
Hervé Morin, François-xavier Bellamy et Laurent Wauquiez en meeting à Lyon, 21 mai 2019.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France