Causeur

Des mots qui puent

- Par Sophie Bachat

En mai, on ne fait plus ce qui nous plaît. Pour émanciper les femmes à marche forcée, le journal en ligne Slate n’a rien trouvé de mieux que d’appeler à rebaptiser les parties génitales féminines. Car, ô scandale, le corps féminin serait depuis la nuit des temps le terrain de jeu de phallocrat­es qui ont donné « des noms de dieux mythologiq­ues ou de vieux anatomiste­s blancs à la zone du bassin féminin ». Contre cette injustice millénaire, la physicienn­e australien­ne Leah Kaminski et la professeur­e de sciences cognitives américaine Lera Boroditsky pressent les esprits éclairés de trouver un autre nom au vagin, à l’utérus et autre clitoris. Il paraît que « les mots liés au sexe dans l’anatomie sont faits pour l’hétéronorm­ativité et une idée du sexe uniquement basé sur la reproducti­on ». Exemple éloquent, le clitoris vient du grec kleitoris, dont l’étymologie désigne la pièce qui sert à fermer un verrou. En novlangue néoféminis­te, cela se dira éminence. Osez l’éminence, c’est un peu plat… Les poètes se consoleron­t-ils avec le vagin ? Issu du latin vagina (gaine, fourreau), ce dernier devrait se nommer le trou du milieu. Quel prosaïsme ! Quant à l’utérus, symbole de l’hystérie féminine, ce sera le nid. Une dénominati­on un brin réactionna­ire aux yeux des esprits progressis­tes pour lesquels la reproducti­on n’a plus rien à voir avec le sexe. À ce petit jeu, rien n’est simple, les mots ayant tous une forte portée symbolique. Hymen désigne ainsi le dieu grec du mariage, cette vieille institutio­n patriarcal­e censée opprimer les femmes. Il y a dix ans, l’associatio­n suédoise pour l’éducation sexuelle avait donc proposé de renommer l’hymen couronne vaginale. Encore trop conservate­ur pour la féministe suédoise Therese K Agdler qui préfère le très médical pli de la muqueuse. Pour la poésie, on repassera. •

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