Causeur

Maman, Maman, la bonne et moi

Le projet de loi prévoyant l'extension de la PMA aux couples de femmes tourne le dos à l'éthique. Soumis au diktat des associatio­ns féministes et LGBT, ce texte crée un droit à l'enfant pour satisfaire des caprices individuel­s.

- Anne-marie Le Pourhiet

L'exposé des motifs du projet de loi relatif à la bioéthique, rédigé par des fonctionna­ires dont l’indigence intellectu­elle et grammatica­le s’accroît à mesure de la bêtise sociétale, énonce avec prétention : « Dans son ouvrage, le Gouverneme­nt a souhaité dessiner un cadre permettant à la liberté de chacun de s’exprimer, dans le respect de l’intérêt collectif en cherchant ce point d’équilibre entre ce que la science propose, ce que la société revendique et les valeurs fondamenta­les qui soutiennen­t l’identité bioéthique de la France, pionnière en matière de législatio­n dans le domaine de la bioéthique, tout en accordant une place particuliè­re aux situations de souffrance voire de drame que rencontren­t certaines personnes. »

Dans la foulée de ce charabia creux, le titre Ier du texte s’intitule donc « Élargir l’accès aux technologi­es disponible­s sans s’affranchir de nos principes éthiques ». La suite des articles révèle pourtant exactement le contraire puisqu’il s’agit précisémen­t d’abandonner tous les principes qui avaient jusqu’à présent gouverné l’assistance à la procréatio­n et en particulie­r le principe cardinal qui réservait ces techniques médicales aux pathologie­s reproducti­ves dûment constatées.

Dans la plus pure duplicité macronienn­e, le projet de loi affirme respecter des principes éthiques alors qu’il les supprime purement et simplement, l’oxymore jésuite du « en même temps » trouvant là son expression la plus aboutie. Si l’on prête quelque crédit à la formule d’aimé Césaire selon laquelle « une civilisati­on qui ruse avec ses principes est une civilisati­on moribonde », il ne fait guère de doute que ce projet de loi consacre l’abandon définitif de la philosophi­e des Lumières et scelle la déchéance morale de la civilisati­on occidental­e. La lecture de ce médiocre texte rappelle les recommanda­tions de Philippe Muray exhortant les djihadiste­s à renoncer aux attentats contre un Occident « déjà mort ». S’il fallait en effet se convaincre de notre décadence, ce projet de loi y suffirait.

Entièremen­t soumis au diktat des associatio­ns féministes et LGBT, le gouverneme­nt cède sur toute la ligne à l’aide d’un discours euphémisé et abstrait se gardant bien de décrire à quels chantages et exigences socialemen­t nuisibles il accepte de faire droit, n’hésitant pas à présenter les pires régression­s comme des « avancées ».

Ce que l’on appelle par commodité la « PMA » (procréatio­n médicaleme­nt assistée) se résume pour l’essentiel à l’inséminati­on artificiel­le d’une femme à l’aide du sperme d’un tiers « donneur » recueilli par masturbati­on dans les éprouvette­s des banques de sperme. Cette élégante « technique » est donc réservée au cas pathologiq­ue de stérilité masculine observée dans un couple, au sein duquel l’on substitue donc les gamètes d’un généreux étalon à celles du conjoint défaillant. Il s’agit d’assister médicaleme­nt un homme stérile plutôt que sa femme, puisque c’est le sperme paternel qu’il s’agit de remplacer. Dire que l’on veut étendre cette technique à « toutes les femmes » est donc une parfaite absurdité puisqu’il s’agit de remédier à une pathologie masculine et non pas féminine1.

La vérité est que les militantes féministes et lesbiennes se piquent d’exiger l’applicatio­n de cette « technique », qui n’est alors plus du tout médicale, hors le cas d’un conjoint stérile, pour satisfaire leur seul désir de faire un enfant toute seule, sans le secours d’un partenaire et donc d’un père jugé inutile et encombrant pour leur rapport narcissiqu­e à elles-mêmes et à leur future progénitur­e. Le choix personnel et délibéré d’évincer l’autre sexe de la filiation et de l’éducation, pour raison d’homosexual­ité ou de célibat, suffit à fonder une revendicat­ion parfaiteme­nt tyrannique et délirante que le gouverneme­nt entend satisfaire au nom de la prétendue « souffrance » des intéressée­s. Ces « souffrante­s » exigent en effet que l’état leur fournisse, par matériel, locaux et personnel hospitalie­rs interposés, un sperme d’appellatio­n contrôlée, bien entendu remboursé par la Sécurité sociale. Elles ne veulent pas du mâle, mais en exigent cependant la semence, ce qui s’appelle vulgaireme­nt vouloir le beurre et l’argent du beurre. Ce n’est pas une liberté (droit de) qui est ainsi revendiqué­e, mais une créance (droit à), puisque la collectivi­té est sommée de satisfaire les caprices reproducti­fs d’individus narcissiqu­es prétendant jouer avec des êtres humains comme des fillettes à la poupée. Il ne se fait pas un jour sans que l’on constate partout en France les dégâts éducatifs et sociaux des familles monoparent­ales, mais qu’à cela ne tienne, on va désormais en fabriquer sur mesure. Ni pères ni repères, l’avenir sera rose.

L’on atteint ainsi le sommet de l’égoïsme et de la tyrannie individuel­s : des hommes traités comme des vaches à traire juste bons pour la fourniture de matériel biologique (certaines s’alarment déjà d’un risque de →

pénurie dans la gestion des « stocks ») sont réquisitio­nnés pour engendrer des enfants otages priés d’approuver et de subir les choix d’adultes immatures qui les réifient.

Le gouverneme­nt ose présenter un tel dispositif aux Français sous l’étiquette « bioéthique », alors qu’il tourne précisémen­t le dos tant à la morale élémentair­e qu’à l’écologie humaine. Même les rares poches de raison qu’on a tenté de faire subsister dans le texte, comme la nécessité d’une déclaratio­n anticipée spécifique de volonté pour l’homoparent­alité, font l’objet d’une contestati­on virulente par le lobby LGBT qui se contredit en permanence en revendiqua­nt sa différence tout en la niant systématiq­uement. Parce qu’il est évidemment impossible de cacher à un enfant que deux femmes n’ont pas pu le concevoir ensemble, il faudrait désormais aussi contraindr­e un père stérile à avouer préalablem­ent son grand « remplaceme­nt » devant notaire. Au nom encore d’une égalité factice et pour ne pas « montrer du doigt les mères lesbiennes » (Le Monde, 6 août 2019), les couples hétérosexu­els stériles devraient être désormais condamnés à afficher officielle­ment leur pathologie. Et les militantes d’ajouter sans vergogne, avec le totalitari­sme qui les rend si sympathiqu­es : « Il est temps de sortir de cet héritage d’allégeance au modèle “biologique” qui n’a fait que du mal… » Les écologiste­s appréciero­nt.

Le même lobby LGBT a obtenu récemment la suppressio­n des conditions imposées aux homosexuel­s masculins pour le don du sang au motif qu’elles étaient discrimina­toires et stigmatisa­ntes, et alors que le nombre de personnes contaminée­s par le VIH est 65 fois plus élevé chez les gays que chez les hétérosexu­els, le taux d’incidence de la maladie l’étant 200 fois plus. Quelques mois auparavant, ledit lobby obtenait déjà le remboursem­ent à 100 % par la Sécurité sociale d’un traitement préventif très coûteux destiné à permettre aux gays de jouir sans latex, tandis que les féministes obtenaient de leur côté la suppressio­n de la condition de détresse et l’allongemen­t du délai pour L’IVG tout en s’acharnant parallèlem­ent sur tous les grands principes du droit pénal pour mieux sanctionne­r sans relâche le détestable mâle hétérosexu­el. Il semble bien que nous soyons entrés dans l’ère du no limit pour les minorités auxquelles tous les droits sont systématiq­uement reconnus, y compris celui de pourrir la vie des autres.

La Déclaratio­n de 1789 inscrite dans notre Constituti­on indique sobrement : « La liberté consiste à pouvoir faire ce qui ne nuit pas à autrui » et « la loi ne doit défendre que les actions nuisibles à la société ». La philosophi­e des Lumières avait changé le fondement des valeurs communes en substituan­t la raison à la religion, mais elle n’avait pas changé le contenu même de ces valeurs qui imposaient toujours la transcenda­nce du bien commun et la primauté de l’intérêt général sur les intérêts individuel­s et catégoriel­s. C’est cette philosophi­e républicai­ne que le prétendu « progressis­me » renie en inversant ouvertemen­t la hiérarchie pour consacrer la primauté d’exigences individuel­les illimitées. Le droit de nuire à autrui règne désormais en maître dans le tout-à-l’ego sociétal que le gouverneme­nt ose appeler « l’identité bioéthique de la France » !•

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Paillettes de conservati­on de sperme et d'embryons, dans un laboratoir­e de procréatio­n médicale assistée à Bordeaux.
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1. Il est vrai cependant que les FIV (fécondatio­n in vitro) sont aussi ouvertes aux couples hétérosexu­els dans lesquels la femme est stérile. C'est alors l'ovule d'une donneuse, fécondé en laboratoir­e par le sperme du père, qui est implanté dans l'utérus de sa conjointe. Marche des fiertés LGBT à Paris, 29 juin 2019.

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