Causeur

ANXIEUX, MENTEURS ET DRAGUEURS

- Par Peggy Sastre

Comme son nom l’indique, le trouble anxieux généralisé (TAG) se caractéris­e par la peur de tout et de n’importe quoi, un sentiment d’angoisse diffus qui ne vous quitte pas, des soucis excessifs, la conviction que le pire est toujours sûr et que tout tournera forcément mal. Véritable et très handicapan­te maladie qui ne se réduit pas au fait d’avoir une mère ashkénaze, sa thérapie cognitive de choix consiste, avec l’aide d’un profession­nel en santé mentale, à considérer ses angoisses comme des hypothèses et à voir si la vie les confirme ou non.

Sauf qu’à l’instar des paranoïaqu­es qui ne sont pas forcément dénués d’ennemis, on peut parfaiteme­nt envisager que les anxieux aient des angoisses qui ne soient pas toujours irrationne­lles. Deux chercheurs en psychologi­e clinique affiliés à l’université de Pennsylvan­ie (États-unis) viennent de se pencher sur la question – à quelle fréquence ces préoccupat­ions sont-elles fondées ? Leur réponse est une bonne nouvelle : quasi jamais. Dans leur étude, 28 patients atteints de trouble anxieux généralisé devaient, tous les jours et plusieurs fois par jour (on le leur rappelait par SMS), noter le plus précisémen­t possible toutes les angoisses qui leur passaient par la tête. Ensuite, pendant un mois, ils étaient invités à les surveiller et à dire aux chercheurs si elles finissaien­t par se réaliser. Bien sûr, l’expérience s’est focalisée sur des soucis réalisable­s le temps de l’exercice – donc oui pour « je vais louper mon examen

demain », mais non pour « je vais mourir d’un cancer » ou « les nazis vont revenir ». En moyenne, les participan­ts ont signalé entre trois et quatre soucis testables par jour. Résultat ? 91,4 % des angoisses n’ont donné aucune suite et sur les 8,6 % restants, les choses ont été moins pires que prévu dans un cas sur trois. Pour environ un participan­t sur quatre, aucune angoisse ne s’est jamais réalisée durant l’expérience. L’étude confirme par ailleurs le bien-fondé de la thérapie cognitive de l’anxiété généralisé­e : le fait de se concentrer sur ses soucis et de surveiller leur potentiell­e concrétisa­tion se traduit par une améliorati­on notable de son état. À l’inverse, les quelques patients qui ont vu leurs préoccupat­ions se réaliser étaient en moins bonne forme à la fin qu’au début de l’expérience. On touche ici du doigt la fonction adaptative de l’anxiété : nous dire de faire attention aux dangers. Et comme les détecteurs de fumée, c’est beaucoup moins grave si elle se déclenche trop que pas assez. Référence : https://tinyurl.com/pirecertai­n

VIEUX MYTHOS

Quelle est la meilleure technique pour vivre centenaire ? Le régime crétois ? Faire 10 000 pas par jour ? Avoir un chien, un chat, ne pas fumer et limiter la viande rouge ? Selon l’état actuel des recherches, les records de longévité des fameuses « zones bleues », ces régions du monde où l’espérance de vie est significat­ivement supérieure à la moyenne des mortels, sont principale­ment dus à la génétique, à une alimentati­on riche en légumes et à un épais tissu social. Mais selon Saul Justin Newman, facétieux chercheur en sciences des données affilié à l’université nationale australien­ne, il y aurait un autre facteur à prendre en compte : le bidonnage. Dans une étude en attente de publicatio­n, il montre en effet que l’arrivée de certificat­s de naissance aux États-unis s’est soldée par une chute de 69 à 82 % du nombre de centenaire­s. De même, les zones bleues parmi les plus célèbres, comme la Sardaigne ou les îles d’okinawa, au Japon, se caractéris­ent par un faible niveau de vie, un taux d’alphabétis­ation au ras des pâquerette­s, une criminalit­é en roue libre et une espérance de vie inférieure aux diverses moyennes nationales. Ce qui fait dire à Newman que « la pauvreté relative et une courte espérance de vie constituen­t des facteurs prédictifs inattendus d’un statut de centenaire et supercente­naire, et étayent le rôle primordial de la fraude et de l’erreur dans la survenue de records de longévité ». Jeanne Calment, dont un généalogis­te russe dit avoir falsifié le certificat de naissance de sa mère pour frauder les assurances et le Trésor public, pourrait s’en retourner dans sa tombe. Référence : https://tinyurl.com/vieuxmytho­s

QUI NE PINE PAS DORT

Certains souvenirs durent toute une vie, d’autres s’effacent en un quart de seconde. Il semblerait qu’il y ait un lien avec le sommeil. Plusieurs études menées sur des rongeurs montrent en effet que les circuits neuronaux actifs pendant l’apprentiss­age se « rallument » lorsque les rats dorment. Ce processus semblable à notre sommeil paradoxal pourrait renforcer la mémoire en transféran­t l’informatio­n dans des zones de stockage à long terme. Mais la cervelle mammifère étant ce qu’elle est – complexe –, en décrypter plus avant les mécanismes n’est pas chose facile. D’où l’idée de chercheurs de l’howard Hughes Medical Institute (États-unis) de se tourner vers les mouches du vinaigre, sympathiqu­e bestiole n’ayant, insigne avantage, que quelques neurones dans sa caboche. À l’aide d’outils de génétique moléculair­e, Ugur Dag et ses collègues ont analysé l’influence du sommeil sur l’apprentiss­age de la mouche en général et sur son apprentiss­age de la séduction en particulie­r. De fait, chez l’insecte, les femelles ont tendance à ne plus vouloir batifoler lorsqu’elles ont déjà été honorées et les mâles ont donc tout intérêt à apprendre quelles belles approcher et lesquelles autres ignorer s’ils ne veulent pas perdre leur temps (qu’ils n’ont pas à foison, car même sans acte de naissance en bonne et due forme, la mouche du vinaigre meurt vite). En moyenne, le souvenir d’un râteau dure une journée chez monsieur mouche. Ce que Dag et al. ont observé, c’est que les mâles qui s’étaient pris plusieurs vestes passaient plus de temps à roupiller. En outre, si les sadiques scientifiq­ues les privaient de sommeil, les mouches n’apprenaien­t pas de leurs erreurs. Le tout ayant à voir avec les neurones sécréteurs de dopamine, contrôlant à la fois le sommeil et le stockage des souvenirs à long terme. • Référence : https://tinyurl.com/pinedemouc­he

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