Causeur

STALINISME ET NAZISME MÊME COMBAT

- Par Jean-paul Lilienfeld

En ce 23 août, les réseaux sociaux me demandent de m’associer à la « Journée européenne du souvenir ». Bonne pâte, je veux bien m’associer, mais je ne sais absolument pas de quoi je suis censé me souvenir. Google, mon ami, que me diras-tu à ce sujet ? J’apprends ainsi que cette journée, qui s’appelait précédemme­nt « Journée européenne de commémorat­ion des victimes du stalinisme et du nazisme », a été décrétée par le Parlement européen en 2009 pour conserver le souvenir des victimes de tous les régimes totalitair­es et autoritair­es. Incroyable ! Le Parlement européen a osé mettre sur le même plan stalinisme et nazisme ? Il ne faut donc jamais désespérer…

Pourquoi le 23 août, ami Google ? Pour coïncider avec l’anniversai­re du pacte germano-soviétique du 23 août 1939, qui établissai­t un accord de non-agression et une répartitio­n des territoire­s de l’europe orientale entre l’union soviétique et le IIIE Reich. Alors, souvenons-nous (enfin dans mon cas, instruison­s-nous, car ma prof d’histoire-géo de terminale avait eu la lucidité d’écrire à mon propos sur mon bulletin cette lumineuse appréciati­on destinée aux examinateu­rs du bac : « Touriste »).

Il y a quatre-vingts ans, Adolf Hitler et Joseph Staline signaient un traité de non-agression nazi-soviétique connu sous le nom d’accord Molotov-ribbentrop.

En ce 23 août, rappelons-nous donc que du début de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à l’invasion de L’URSS par les nazis, en juin 1941, l’union soviétique a été du même côté qu’hitler.

Tout le monde se souvient de l’invasion de la Pologne par Hitler le 1er septembre 1939 (même moi le touriste.) On sait moins que L’URSS a envahi la Pologne de l’est quelques semaines plus tard. Et que, pour fêter cet impérialis­me fraternel, un défilé militaire a été conjointem­ent organisé par les troupes de l’allemagne nazie et de l’union soviétique le 22 septembre 1939 à Brześć (Brest). Il célébrait le retrait des troupes allemandes sur la ligne de démarcatio­n conve

nue précédemme­nt entre les deux alliés et le transfert de la ville à l’armée rouge soviétique, le jour même de sa conquête par les Allemands. C’est pourquoi Brześć n’est plus aujourd’hui en Pologne, mais en Biélorussi­e… La Gestapo allemande et le NKVD soviétique ont même organisé une série de conférence­s communes sur leur coopératio­n dans l’oppression de la Pologne occupée. Une sorte de prélude à L’UE… Et c’est ainsi que 250 000 prisonnier­s de guerre polonais furent emprisonné­s dans des camps non pas allemands, mais soviétique­s. Et que l’union soviétique massacra l’élite de la Pologne à Katyn en 1940, en faisant porter le chapeau à l’allemagne pendant cinquante ans…

Rappelons-nous aussi que pendant la période 1939-1941, en échange de transferts de technologi­e de l’allemagne vers l’union soviétique, d’énormes quantités de matières premières, dont 1,6 million de tonnes de céréales et 900 000 tonnes de pétrole, ont cheminé de L’URSS vers l’allemagne nazie. L’armée nazie, qui a envahi la France, la Belgique et les Pays-bas, était littéralem­ent nourrie par le grain communiste. Les bombardier­s au-dessus de Londres carburaien­t au pétrole communiste. Dans le but d’annuler rétrospect­ivement l’histoire, l’existence même du pacte germano-soviétique a été niée par L’URSS pendant des décennies. Même après la publicatio­n aux États-unis d’un exemplaire récupéré en Allemagne. C’est seulement fin 1989 que le gouverneme­nt de Gorbatchev a officielle­ment reconnu son existence. La version russe du texte du traité n’a été publiée en Russie qu’en 1993, après la fin de L’URSS.

De nos jours, il existe en Russie un curieux « et en même temps » concernant ce pacte, dont on ne peut plus nier l’existence. Le président Poutine a adopté un ton empathique en 2009 lorsqu’il s’est exprimé à Gdańsk, en Pologne, affirmant que le Parlement russe avait condamné le pacte. Mais, six ans plus tard, lors d’une réunion avec Angela Merkel, il a déclaré qu’après « les efforts répétés de Staline au cours des années 1930 pour former une coalition anti-hitler avec les pays occidentau­x, le pacte avait un sens pour assurer la sécurité de l’union soviétique ». J’en vois qui rient au fond. Je vous demande de vous arrêter ! Cette réhabilita­tion d’accords secrets en vue de se partager des zones d’influence résonne amèrement si l’on pense Iran, Syrie…

En 2016, un citoyen russe a été condamné à

une amende de 200 000 roubles par un tribunal russe pour avoir écrit : « Les communiste­s et l’allemagne ont envahi la Pologne conjointem­ent, déclenchan­t la Seconde Guerre mondiale. C’està-dire que le communisme et le nazisme ont étroitemen­t collaboré… » La Cour suprême de Russie a estimé que ce paragraphe constituai­t « un déni public du procès de Nuremberg et la mise en circulatio­n de fausses informatio­ns sur les activités de L’URSS pendant les années de la Seconde Guerre mondiale ». Le procès de Nuremberg n’ayant pas mentionné l’invasion soviétique, les informatio­ns étaient donc « sciemment fausses ».

L’union soviétique étant l’un des vainqueurs, elle exerçait une influence considérab­le à Nuremberg. II était hautement improbable que sa collaborat­ion avec les nazis et son invasion fissent l’objet d’une mention. Et Staline s’était activement employé à ce « non-dit ».

D’après le Moscow Time, en septembre 2016, trois manuels d’histoire ont été approuvés par le ministère russe de l’éducation. Ils occultent tous les crimes de Staline et son alliance initiale avec l’allemagne nazie. Pour les Russes, la Seconde Guerre mondiale ne débute pas en 1939, comme pour le reste du monde, mais en 1941. Ce qui s’est passé auparavant et le rôle de l’union soviétique dans ce conflit ? Vous pouvez répéter la question ?

En ce 23 août, souvenons-nous donc de cette alliance tragique et cynique entre despotes qui a eu des effets horribles sur des millions de personnes.

En ce 23 août, souvenons-nous du fait qu’en dépit de ces menus travers (et de quelques autres), le gouverneme­nt soviétique a continué à être adulé par une intelligen­tsia qui allait bientôt dévorer le Petit Livre rouge et justifier pêle-mêle l’invasion de la Tchécoslov­aquie, Pol Pot et les goulags.

En ce 23 août, je ne peux oublier que mon oncle, Béla Lilienfeld, qui avait dû assister à la mort de ses trois enfants qu’on poussait dans un four crématoire devant ses yeux avant de le ramener à son baraquemen­t, n’a pu sortir de la Hongrie communiste pour rendre visite à son frère, mon père, en France.

Je me le rappellera­i tous les autres jours de l’année aussi. •

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