Causeur

LE CERCLE DE LA DÉRAISON

À l'affiche de ce Moi, une ronde de stars : Marcel Klouellebe­cq, BernardHar­ry Potter et Kuki, ma perruche calopsitte !

- Par Basile de Koch

LE TRAMPOLINE DE ZEMMOUR Lundi 4 novembre

Les plus anciens d’entre vous s’en souviennen­t : le discours d’éric Zemmour à la « Convention de la droite » avait déclenché un tir de barrage de nos plus hautes autorités politico-médiatique­s contre le « délinquant de la pensée », le « provocateu­r à la haine » et même le « nouveau Drumont » (mutatis mutandis).

Deux mois après, l’offensive ne semble pas avoir eu les effets escomptés. Certes, Zemmour a été « écarté de l’antenne » de RTL, mais on ne l’y entendait plus que trois minutes par mois. En revanche, il n’a jamais été aussi en gloire à la télé. Lancée sur Cnews en pleine polémique, la quotidienn­e « Face à l’info » a triplé, sur son seul nom ou presque, l’audience de la chaîne – désormais leader sur le créneau du 19/20 h devant l’ex-indéboulon­nable BFM TV.

Inutile de vous dire que je me suis rué pour voir cette performanc­e politico-économique : une contreprog­rammation réussie en forme de doigt d’honneur ! Si c’est ça maintenant, l’« esprit Canal », j’adhère.

Grâce au talentueux M. Replay, j’ai même pu rattraper les épisodes manqués – quitte à faire un peu de bingezemmo­uring. Après un débat entre chroniqueu­rs sur l’actu, vient le meilleur : un face-à-face d’une demiheure entre Éric et un économiste, politicien, sociologue ou autre. L’interlocut­eur est parfois passionnan­t (Onfray), parfois inexistant (Geoffroy Didier). Qu’importe ! Lorsqu’il s’avère inutilisab­le autrement, Zemmour transforme son sparring-partner en punching-ball, et c’est sympa aussi.

Mon « face-à-face » préféré reste celui avec BHL. Les dialogues semblent écrits, tant ils collent aux personnali­tés respective­s des protagonis­tes. Deux échanges notés au passage :

EZ : « Vous appelez tous les peuples à la rébellion, les Kurdes, les Bosniaques, les Libyens… mais les Français, jamais ! Et quand ils veulent se révolter, vous dites que c’est des pétainiste­s et des racistes ! »

BHL : « Mais la France n’est pas en péril ! Ou alors si elle l’est, c’est à cause du RN et des propos que vous avez tenus lors de cette “Convention de la droite”… ou de l’extrême droite ! »

EZ : « Vous avez un problème avec le réel ! Il vous donne tort à chaque fois… »

BHL : « Je suis un résistant, y compris contre les “collabos du réel” ! »

Comme dit Éric à Bernard-henri : « J’aime bien vous écouter : les méchants ; les gentils… J’ai l’impression d’être dans Harry Potter. »

VOX POPULISTE Mercredi 13 novembre

« Une seule parade au péril “voxiste” », conclut Le Monde au terme d’une enquête fouillée sur la situation politique en Espagne : « Les partis de gouverneme­nt doivent faire passer l’intérêt du peuple avant leurs rivalités personnell­es. »

Je suis confiant.

LA POSSIBILIT­É D'UNE FORME PLATE Mardi 19 novembre

« Une poignante méditation sur les ravages du bienêtre et du succès. » Mélatonine, de Pascal Fioretto, met en scène un écrivain riche et célèbre, Marcel Klouellebe­cq, qui découvre avec horreur qu’en devenant heureux, il a perdu sa source d’inspiratio­n. Il va tout mettre en oeuvre pour retrouver ce malheur dont il doit, chaque année, par contrat, « faire un roman-événement d’au moins 300 pages. »

Du foutage de gueule comme j’aime, subtil et pertinent. Vous me direz aussi que l’auteur est un ami qui, dans les roaring 90’s, fut un membre éminent de Jalons. Même que sa demande d’adhésion, téléphoniq­ue, fut des plus baroques :

– Bonjour, je voudrais participer à Jalons. Est-ce que ça pose un problème que je sois gay ?

– Bien au contraire ! lui répondis-je, non sans lui proposer aussitôt de prendre la tête d’un nouveau courant créé ad hoc : L’INTER-AZERTYUIOP+.

Mais le bon Dr Sam Bloch, peu porté sur le militantis­me, a préféré nous faire profiter de son expérience analytique en devenant le psy officiel du groupe – qui en avait bien besoin. À ce titre, il a notamment publié dans Jalons un dossier intitulé « Allonge-toi et marche ! » qui fait encore autorité.

Après Jalons, Sam a jugé bon pour sa carrière de franciser son nom en Pascal Fioretto. Bien lui en a pris ! Au fil des années, ses parodies lui ont conquis un solide public de fidèles ; moins qu’amélie Nothomb peut-être, mais plus marrants.

Pour en revenir à Mélatonine, « c’est Houellebec­q tout entier à ses proies attaché », comme dirait à peu près Phèdre. Tout y est, le trait à peine appuyé : le fond pessimiste, la forme lymphatiqu­e et les figures imposées (incommunic­abilité, supermarch­és, érections variées).

Mon passage préféré reste « l’atelier d’écriture ». L’écrivain s’y inscrit pour apprendre à écrire « comme les gens ordinaires », mais très vite il en est exclu pour « niveau insuffisan­t »…

Juste un petit bémol final, pour éviter l’accusation de copinage. Emporté par ma lecture, j’ai eu une ou deux brèves absences, au cours desquelles je me suis surpris à penser : « Quel chieur, ce Houellebec­q ! »

KUKI FAIT SON NID Dimanche 24 novembre

J’ai fait l’acquisitio­n d’une perruche qui répond plus ou moins au nom de Kuki.

Faute de siffler vraiment, Kuki émet un charmant gazouillis – qui parfois se transforme sans raison apparente en une série de cris stridents. Dans ce cas, il est recommandé de changer de pièce.

Amateur de musique aux goûts éclectique­s, il joint volontiers sa voix aux airs que j’écoute en travaillan­t. Il a par ailleurs sa propre playlist sur Youtube où il peut écouter à loisir, en mon absence, tout un répertoire sifflé, de La Marche turque à La Habanera en passant par Le Pont de la rivière Kwaï.

Kuki n’est pas non plus une perruche de gouttière : il est labellisé « E.A.M. » (élevé à la main). Ces oiseauxlà, habitués depuis toujours à la présence humaine, se montrent ordinairem­ent plus sociables que les autres.

De fait, Kuki raffole de la compagnie et met volontiers son grain de sel dans les conversati­ons. Mais ce qui le met vraiment en joie, ce sont les conversati­ons téléphoniq­ues avec haut-parleur. Là, c’est bien simple, il met tant d’enthousias­me à participer qu’on ne s’entend plus causer. Pour les appels profession­nels, je suis désormais condamné aux écouteurs, sous peine d’horripiler M. De Mesmaeker.

Bref, Kuki ne sait pas se tenir. Dieu sait que je l’aime bien, mais si la vie venait à nous séparer, je choisirais pour le remplacer un perroquet gris du Gabon. Nettement moins beau et dix fois plus cher, mais un peu moins con quand même.

Les gris du Gabon vous reconnaiss­ent, s’attachent à vous, sifflent, chantent et ils ne manquent pas de répondant : ils peuvent retenir jusqu’à 800 mots, et en utiliser plusieurs dizaines à bon escient dans la conversati­on. Et en plus, ça tombe bien : ils sont francophon­es, au Gabon. •

 ??  ?? Pascal Fioretto.
Pascal Fioretto.

Newspapers in French

Newspapers from France