Uber Matisse
L’époque, on le sait, cherche à tout désacraliser : les figures d’autorité, l’héritage historique et même Notre-dame de Paris que l’on enlaidirait volontiers d’un « geste architectural » contemporain pour la faire basculer dans l’époque. Ainsi, l’art et les institutions qui le portent deviennent des « lieux » où vivre des expériences récréatives. Le théâtre du Châtelet, sous la responsabilité de la mairie de Paris, a ainsi transformé son salon Nijinski, au sommet de l’édifice, en boîte de nuit. Mais la soirée hip-hop a viré au fiasco (voir la « Chronique de l’ouvreuse »). La presse s’interroge gravement : l’avenir du clubbing est-il compromis au théâtre ?
Autres errements cultureux, l’oeuvre « flashy » temporaire commandée à l’artiste suisse Felice Varini pour rendre plus sexy les murailles de la Cité médiévale de Carcassonne, inscrite au patrimoine mondial de l’unesco. Ce collage monumental de cercles concentriques a également tourné au fiasco. Un an plus tard, l’oeuvre n’apparaît plus si éphémère que ça. Après démontage, on découvre que les pierres ont été abîmées. Mais qu’importe, il fallait bien donner du tonus à cette cité bimillénaire…
Quant aux musées, engagés dans une course à l’audience, ils se métamorphosent en parcs d’attractions. Le Louvre a invité Jay-z et Beyoncé à créer leur propre parcours d’oeuvres. Le centre Pompidou propose un atelier « Art détox », permettant au public de « humer » des parfums. On peut aussi faire du « yoga en famille » ou participer à un mystérieux « atelier bébé ». L’invasion de nouveau-nés gagne même le musée Matisse qui propose un atelier allaitement. Mieux, à l’occasion de son agrandissement, le musée consacré au peintre proposera une activité couture et un espace de coworking « ouvert à tous ». Ubérisons Matisse ! •