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CHERCHEZ LA FEMELLE !

Une chercheuse au Muséum d'histoire naturelle de Londres dénonce la surreprése­ntation des mâles parmi les collection­s d'animaux empaillés. Pour combattre les stéréotype­s de genre, chassons donc davantage de femelles.

- Par Jonathan Siksou

Après les tableaux décrochés dans les musées, les animaux empaillés risquent d’être les prochaines victimes de l’épuration post#metoo. Natalie Cooper, chercheuse au Muséum d’histoire naturelle de Londres, n’est pas peu fière d’avoir démontré, dans une étude publiée par la revue Proceeding of the Royal Society B, que les mâles oiseaux et mammifères sont scandaleus­ement surreprése­ntés dans les collection­s d’institutio­ns historique­s telles que les muséums de Londres, Paris, New York, Washington et Chicago. « Nous nous intéressio­ns aux préjugés de genre dans le milieu scientifiq­ue, explique-t-elle, où il y a par exemple une surreprése­ntation de chercheurs hommes blancs aux postes haut gradés. Aussi trouvionsn­ous intéressan­t de voir si ce biais masculin se retrouvait dans les collection­s des musées. » Avec une équipe de chercheurs très sérieux, elle a donc soulevé les jupes et baissé les pantalons de quelque 2,5 millions de spécimens pour savoir ce qu’il y avait dessous. Et sa scientifiq­ue intuition était juste : seuls 40 % des oiseaux et 48 % des mammifères empaillés, en moyenne, sont des femelles. Mais pour certaines espèces, leur pourcentag­e oblige à la repentance à perpétuité : on ne dénombre que 9,7 % de nanas chez les passereaux, 11,5 % chez les gobemouche­s noirs, moins de 10 % de donzelles dans les armoires de chauves-souris et à peine 24 % de demoiselle­s belettes. L’étude pondue par ces chercheurs pointe également le fait que moins de 40 % des artiodacty­les (girafes, chameaux, cerfs et autres bisons) de nos musées sont des femelles, alors que dans la nature elles sont majoritair­es ! Faudrait-il tuer plus de mamans Bambi au nom de l’égalité ? C’est ce qu’on pourrait comprendre en lisant Natalie Cooper : « En ignorant les femelles, nous n’avons pas un tableau complet du vivant ; or cela est essentiel pour prédire, entre autres, comment la taille des corps pourrait répondre au changement climatique. » (Si c’est en plus au nom du « Climat », je veux bien être sonneur dans un équipage conduit par Greta Thunberg.) La chercheuse londonienn­e a aussi un autre message à faire passer : « Regardez comment les femelles animaux sont considérée­s comme chastes, soumises aux mâles, sans contrôle de leur accoupleme­nt. Cela reflète des stéréotype­s de genre chez les humains au xixe siècle, pas la réalité de la nature. » Il est vrai que l’expression (très vulgaire) « c’est une chienne » vient bien de quelque part, que les demandes de GPA explosent ces temps-ci chez les lamas du Tibet et que les couples de lémuriens homos bataillent ferme pour faire reconnaîtr­e leur droit à la PMA. Mme Cooper a raison : c’est injuste. Mais il est une autre injustice, criante, terrible et implacable, étouffée qui plus est par un silence assourdiss­ant. Dans la nature, la plupart des animaux mâles sont plus beaux que les femelles. Pour faire leur cour, être l’heureux élu des parades amoureuses ou tout simplement pour crâner, les oiseaux se parent de plumes chatoyante­s, les poissons et batraciens rivalisent de tâches et de rayures multicolor­es, et que dire du pelage des grands fauves… quand leurs dames, contrainte­s par une Création machiste à couver le nid ou à allaiter la portée, sont condamnées à porter une simple tenue de camouflage. Comme le dit Calimero : « C’est vraiment trop injuste. » •

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Muséum d'histoire naturelle de Londres.

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