Causeur

ROYAUME-UNI CAPITALISA­TION, PIÈGE À CONS !

Outre-manche, le nouveau système de retraite par capitalisa­tion a ruiné des dizaines de milliers d'actifs. La faute à des fonds de pension véreux hâtivement certifiés par l'état. De quoi bénir le modèle social français.

- Par Mark Porter

Alors que le navire britanniqu­e s’apprête à larguer les amarres et à quitter les rives de l’union européenne pour naviguer vers le grand large, je souhaitera­is partager avec mes amis français quelques réflexions sur les conséquenc­es désastreus­es de notre système de retraite historique­ment basé sur la capitalisa­tion, qui a subi plusieurs réformes au fil des dernières décennies.

En 2037, l’âge auquel les Britanniqu­es pourront toucher leur pension de retraite à taux plein devrait passer de 65 à 68 ans1. Cet âge pourrait même être relevé à 70 ans2 ! Chaque employeur est désormais tenu d’enregistre­r ses employés auprès d’un régime de retraite. Il a l’obligation de cotiser en premier lieu pour la retraite d’état de base et, deuxièmeme­nt, il a le choix entre cotiser auprès du fonds de pension d’état NEST (« National Employment Savings Trust »), ou bien auprès de fonds de pension privés3. Ce sont ces derniers qui posent un grave problème, car les réformes successive­s ont ouvert la voie à une cohorte de criminels en col blanc, qui se sont accaparé – avec le blanc-seing de l’état – les milliards des cotisation­s de dizaines de milliers d’actifs, les laissant sur la paille pour leurs vieux jours. Le quotidien Daily Mail aurait, à lui seul, réussi à identifier 8 000 victimes, mais l’organisme officiel de régulation des pensions britanniqu­es (« Pension Regulator ») en aurait répertorié 100 000, avec un préjudice estimé à 10 milliards de livres sterling à ce jour4, soit quelque 11,5 milliards d’euros !

Les militaires et les policiers comptent aujourd’hui dans leurs rangs des milliers de personnels spoliés ayant perdu l’intégralit­é de leurs cotisation­s de retraite. Un ancien combattant ayant guerroyé sur de nombreux théâtres d’opérations expliquait le 30 décembre, toujours dans le Daily Mail, qu’ayant tout perdu, il ne lui restait plus qu’à espérer avoir la force de travailler jusqu’à 80 ans. Comment en est-on arrivé là ? Facile : certains fonds de pension gérés par des crapules, qui coulent en ce moment même des jours heureux au soleil, avaient tous été certifiés soit par le Pension Regulator, soit par l’administra­tion fiscale et douanière (HMRC), voire carrément par le ministère de la Défense. Or, on découvre que leur enregistre­ment par les services de l’état pouvait être effectué en quelques minutes sur internet sans aucun garde-fou. Rassurés par l’estampilla­ge officiel de l’état, incapables de discerner le bon grain de l’ivraie parmi les multiples offres de placement et délibéréme­nt induits en erreur par l’annonce de taux mirobolant­s, des milliers d’anglais, Gallois, Écossais, Nord-irlandais ont tous plongé dans le gouffre la tête la première.

Au vu de cette tragédie nationale, le système français de retraite par répartitio­n apparaît comme une bénédictio­n. Il est le trophée d’âpres luttes sociales et d’immenses sacrifices consentis par les génération­s passées. Il serait regrettabl­e de le faire passer à la trappe de l’histoire pour s’acheminer vers des lendemains incertains faits de misère économique, de larmes et d’expansion de la criminalit­é en col blanc. •

1. « La retraite au Royaume-uni », la-retraite-en-clair.fr

2. « State pension age must rise again, says report », theguardia­n.com, 23 mars 2017.

3. Jatin Radia, « Comment fonctionne le système de retraite en Angleterre ? », pramex.com

4. « Lambs to the slaughter », dailymail.co.uk, 29 décembre 2019.

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