Causeur

BIO, OGM, DÉMENCE

- Par Peggy Sastre

ÉCONOMIES MORALES

Il n’aura échappé à personne que le vert est à la mode. Les produits bio, durables et prétendume­nt respectueu­x de l’environnem­ent ne cessent d’envahir nos étals et nos conscience­s assoiffées de rédemption. Mais comme au bon vieux temps des indulgence­s, le fossé entre la sainteté des intentions et la basse réalité des comporteme­nts est des plus béants. On estime ainsi que, par rapport à ce qu’ils prêchent, conspuent et affirment désirer sur un plan écologique, les consommate­urs ne mettent en pratique que 10 % de leurs belles paroles. Pourquoi un tel hiatus ? Selon Jannis Engel et Nora Szech, économiste­s au KIT, l’institut de technologi­e de Karlsruhe, il en va justement là d’un « effet d’indulgence », où la moindre petite bonne action est suffisante pour avoir la conscience tranquille et servir (inconsciem­ment) d’excuse pour pouvoir, par ailleurs, déroger à son catéchisme. Et même se tamponner le coquillard de problèmes où la charité serait pourtant la bienvenue. Comment les chercheurs sont-ils parvenus à cette conclusion ? Grâce à 200 cobayes, répartis en quatre dispositif­s expériment­aux, et des serviettes de toilette. Le but de la manoeuvre ? Voir si et comment des consommate­urs sont prêts à payer pour un produit éthique, et s’ils appréhende­nt cet achat comme un ticket d’absolution leur permettant de ne pas trop persévérer dans leurs bonnes manières. Ainsi, dans une

simulation d’achat, les participan­ts avaient à choisir entre des serviettes fabriquées ou non dans des ateliers respectant le plus élémentair­e droit du travail. Petite astuce, un programme informatiq­ue avait préalablem­ent décidé s’ils allaient recevoir une serviette en coton bio ou une autre en coton convention­nel. Ensuite, les participan­ts allaient avoir à choisir entre différente­s sommes d’argent – de 0,25 à 12 euros – et différents types de serviettes. Résultat : lorsqu’elle était bio, les participan­ts avaient largement moins envie de « payer » pour une serviette confection­née dans de bonnes conditions profession­nelles. Histoire d’enfoncer le clou, une demi-heure après la première expérience, les chercheurs proposèren­t à leurs cobayes de reverser une partie de leur argent à une associatio­n venant en aide aux réfugiés. Là encore, ceux qui avaient reçu une serviette bio allaient se montrer les moins généreux avec leurs prochains en souffrance. « On observe que le coton biologique sert d’excuse pour ne pas avoir à se soucier d’un autre champ moral », écrivent les chercheurs. C’est bien résumé. Référence : tinyurl.com/indulgence­eponge

GUERRE DES SEXES OGM

La teigne des choux est un petit papillon adorant tellement les crucifères qu’on l’estime responsabl­e d’environ 5 milliards d’euros de dégâts dans le monde. Le problème, c’est qu’il est progressiv­ement devenu résistant aux mêmes pesticides qui ont par ailleurs éliminé ses prédateurs. Autant dire que les producteur­s de choux, de brocolis ou de colza (eh oui, c’est de la même famille) en ont gros sur la patate. Ils seront heureux d’apprendre qu’une entreprise de biotechnol­ogie, Oxitec, n’a jamais été aussi près de pouvoir leur proposer une nouvelle arme contre ce nuisible : des papillons génétiquem­ent modifiés pour détruire leurs propres population­s. Mais selon un procédé qui a de quoi faire pâlir des féministes antispécis­tes. En effet, Oxitec a bidouillé les bestioles pour leur ajouter deux gènes mutants. Le premier, inoffensif, les rend simplement fluorescen­tes pour qu’elles soient faciles à repérer sur le terrain. Le second est outrageuse­ment plus pervers : non seulement il tue les larves peu de temps après leur éclosion, mais ce gène exterminat­eur ne s’active que chez les femelles ! Lorsque des mâles génétiquem­ent modifiés en viennent à féconder des femelles bio, toutes les larves femelles dépérissen­t, alors que les mâles continuent leur petite vie. Une fois leur maturité sexuelle atteinte – c’est une affaire de jours, comme il est d’usage chez les papillons –, ils iront joyeusemen­t s’accoupler avec de nouvelles femelles et ainsi continuer d’assouvir le funeste dessein du pesticide embarqué dans leur ADN. Que les techno-affolés se rassurent, les risques que l’expérience tourne mal sont minimes. Les mâles génétiquem­ent modifiés sont de fait plus fragiles que leurs homologues « naturels » et une bonne moitié n’arrivent pas vivants à leur fleur de l’âge, ce qui signifie que l’apport en insectes mutants doit être constant pour que le carnage persiste.

Référence : tinyurl.com/spermetueu­r

PRIME AUX RENFROGNÉS

La nouvelle a de quoi réjouir les acariâtres et chagriner les gros joviaux. Selon des chercheurs suisses et suédois, les individus les plus faciles à vivre sont aussi ceux qui ont le plus de risque de voir leur cervelle ravagée par Alzheimer. À l’inverse, si on en croit leur étude menée sur 397 vieux habitants des régions de Genève et de Lausanne surveillés pendant cinquante-quatre mois, en plus d’un défaut d’« agréabilit­é », l’ouverture est un autre trait de personnali­té protecteur des zones les plus touchées par la maladie – l’hippocampe, l’amygdale, le cortex entorhinal, le lobe temporal mésial et le précunéus. Correspond­ant à des styles de pensée, d’émotions et d’actions persistant durant toute la vie d’un individu, la notion de personnali­té est endémique en sciences humaines et sociales, mais on la voit désormais de plus en plus en médecine et en neuroscien­ces, comme en atteste cette étude dirigée par François R. Herrmann. Plus précisémen­t, c’est ici l’analyse taxonomiqu­e de la personnali­té, via le modèle de « Big Five », qui est exploitée. Selon ce paradigme, comptant aujourd’hui parmi les plus solides en psychologi­e, chaque caractère est un cocktail de cinq ingrédient­s fondamenta­ux : l’ouverture (à la nouveauté et à l’expérience, curiosité et imaginatio­n), la conscienci­osité (autodiscip­line, respect des obligation­s, etc.), l’extraversi­on (énergie, positivité, recherche de la compagnie d’autrui), l’agréabilit­é (amabilité, empathie, caractère coopératif) et le névrosisme (instabilit­é émotionnel­le, négativité, vulnérabil­ité). •

Référence : tinyurl.com/perfidecer­velle

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France